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Médaillé olympique, de championnats du monde et de tournois du Grand Chelem, Stéphane Houdet remporte depuis 2005 des tournois internationaux de tennis en fauteuil roulant.

Dans cet article, Stéphane nous parle d’expériences de vie, d’opportunités, de changement de perception, de travail, de détermination : changer de regard et saisir le champ des possibles pour réaliser ses rêves. 

Interview réalisée le 12/10/22 par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces

Stéphane Houdet : détermination et longévité

Bonjour Stéphane,

Cela fait depuis 2005 que tu remportes des tournois internationaux en tennis-fauteuil, que ce soit aux Jeux, aux championnats du monde ou pendant des tournois du Grand Chelem. Une longévité exceptionnelle, qui est celle d’un Nadal. D’où tires-tu cette capacité, cette détermination à toujours s'entraîner et gagner ?

Je distingue deux points dans ta question : je remporte de très beaux tournois mais j’ai également des concurrents incroyables qui sont encore devant moi même si j’ai eu des passages dans ma carrière où j’étais en haut de la pyramide. 

Il n’empêche que ce qui est beau dans notre discipline, et on peut faire le parallèle avec le monde de l’entreprise, c’est que quand on a gagné une épreuve le dimanche soir, il n’est pas question de se reposer sur nos lauriers, nous sommes confrontés dès le lundi ou le mardi à nos adversaires avec la possibilité de perdre. Et si on a perdu, nous avons également dès le lendemain la possibilité d’inverser la tendance, et ne pas pleurer sur notre sort.

Concernant la longévité, dans ma pratique sportive, le fait de jouer assis et de ne pas utiliser les membres inférieurs, les quadriceps (qui sont les muscles qui consomment le plus d’énergie), les genoux (qui s’usent le plus au tennis) nous donnent un avantage indéniable en termes de longévité physiologique.

Je me retrouve aussi, après avoir fini mes matchs, à utiliser une prothèse, à me relever, et à marcher. Marcher me permet de reposer mes membres supérieurs qui sont les plus utilisés dans ma pratique sportive. Donc d’un côté je consomme moins, et de l’autre côté je peux me reposer.

Aujourd’hui il est vrai que je ne suis pas le plus jeune du circuit, et ce sport fera de plus en plus la place aux plus jeunes. Il faut tempérer la comparaison avec des grands joueurs, à commencer par un Rafael Nadal, quand par exemple il se voit défié d’un seul coup par un jeune de 19 ans comme Carlos Alcaraz. En tennis fauteuil nous sommes moins nombreux, rester compétitifs dans un univers ou il y a moins de concurrents est plus facile, donc je peux profiter aussi de cet effet de nombre.

Stéphane Houdet
Stéphane Houdet - APF

Aujourd’hui il y a dans la société un nouveau regard, qui dit que l’on peut rester performant sur la durée.

Stéphane houdet

Il est vrai également que le monde a changé. J’ai vécu avec Jeannie longo, à une époque où l’approche de sa pratique était plutôt négative, son âge était critiqué, moqué parfois. Aujourd’hui il y a dans la société un nouveau regard, qui dit que l’on peut rester performant sur la durée. Je crois que les gens acceptent cette différence beaucoup plus facilement.

Stéphane Houdet : rebondir et découvrir le champ des possibles

Ton histoire est très forte. Un accident de moto t’a privé de l’usage de ton genou gauche, tu étais très bon en tennis mais tu menais une carrière professionnelle - que tu as poursuivi d’ailleurs puisque tu étais docteur en médecine vétérinaire. Pourquoi as-tu alors décidé de faire du sport ta carrière principale ?

L’accident m’a permis d’un seul coup de réaliser des rêves d’enfants, et d’envisager une carrière sportive là où des années plus tôt elle s’était envolée.

Quand j’étais enfant, j’étais champion des Pays de la Loire en tennis, ma région de naissance. J’ai participé au championnat de France, c’était assez sympa mais en même temps j’étais loin des meilleurs, et ne pas partir sur une carrière professionnelle tennistique était raisonnable. J’étais dans une famille où on adore le sport, mais où on privilégie une carrière professionnelle. C’était peut-être une question de prise de risques, je grandissais en pensant qu’il fallait que j’assure mes arrières.

Mon accident, qui va me clouer sur un lit d'hôpital pendant un moment, va m’ouvrir les voies d’une discipline pour laquelle je pouvais tenter l’aventure : je me suis alors dit “j’essaye de devenir joueur professionnel  de ce sport, en l'occurrence le tennis en fauteuil roulant, et si ça ne marche pas, je retourne à mon métier de vétérinaire.” Le risque était modéré puisque j’avais une profession libérale vers laquelle je pouvais revenir à souhait.

Je comprends la motivation profonde, comment as-tu déployé cela, qu’est-ce qui t’a permis d’y arriver ?

Au départ, c’était vraiment une expérience de vie, on ne sait pas trop ce qui nous arrive. Pour tout être humain qui vit un drame quel qu’il soit, il y a d’abord un passage par une case où tout devient quasiment impossible. Des traumatismes peuvent nous freiner, nous anéantir, nous clouer au lit.

Il y a une période de digestion avant de s’engager vers de nouveaux défis, de nouveaux succès, et par la suite seulement de nouveaux objectifs, de plus en plus grands. On a des repères, et petit à petit, on découvre des possibilités.

Stéphane houdet

Quand on découvre le champ des possibles, on ne se met plus de limites et on repart de plus belle.

L’univers des possibles existe dans toutes les disciplines, chez les sportifs bien sûr mais également chez les artistes, chez les entrepreneurs, chez tout un chacun. Une première situation va nous offrir un premier succès, aussi minime soit-il, l’important est le positif associé à l’expérience. Ensuite ça fait boule de neige et on ne se concentre plus que sur les succès en transformant les échecs en moments d’apprentissage. C’est un processus sans fin

Stéphane Houdet - Impossible
Stéphane Houdet, Impossible - APF

Il faut se rappeler que dans mon cas, je partais d’un programme cérébral qui avait été déconnecté. Réussir à remettre cette cuillère dans la bouche, marcher, aller dans la salle de bain seul, découvrir la vie. Tout a été un réapprentissage. Tout est re-questionné. “Est-ce que l’on s’aime ? Est-ce que l’on va être aimé ? Est-ce que l’on va pouvoir travailler ? Être embauché ? Pouvoir avoir des enfants ? Est-ce que nos amis vont nous tourner le dos, continuer à être présents ?”

Je me suis remarié il y a quelques années, je serai à nouveau papa au mois de janvier, et j’étais loin d’imaginer ce parcours. L’univers des possibles change au quotidien 🙂

Je travaille aussi pour une importante fondation, le handilab, c’est un autre rêve qui est devenu réalité : créer un grand pôle d'innovations et d’excellence au service du handicap et de la perte d’autonomie.

La vie nous éclaire sur des possibles auxquels nous n’avions jamais pensé. Cela ne s'interrompt que par la mort. Chaque jour apporte ses opportunités. 

Stéphane Houdet

Stéphane Houdet : Prioriser et gérer son temps

Le temps de l’opportunité est un temps éphémère qu’il faut savoir saisir, et implique donc une forme de disponibilité. Beaucoup des entrepreneurs et dirigeants qui nous lisent expriment globalement un manque de temps. Quel est ton rapport au temps ? 

Le manque de temps qui est décrit là correspond à un choix, le choix de ce que l’on fait. On manque de temps sur des choses qu’on n’a pas priorisées, mais sinon on trouve le temps.

Stéphane Houdet

D’un point de vue philosophique, ceux qui ont subi un traumatisme ont appréhendé que tout pouvait s’arrêter.

Donc la question à se poser est “si demain tout se terminait, comment je prioriserais cette partie là ?”. J’aime bien ça dans notre quotidien, d’imaginer qu’il n’y aura peut-être pas de lendemain. Cela induit un apaisement des relations, des comportements, des façons d’agir.

Nous sommes sur terre pour un temps fini aujourd’hui, qu’en faisons nous ?

Ma vraie richesse aujourd’hui, c’est de ne pas avoir de dimanche soir. Je n’ai pas cette peur du lundi matin où il faut reprendre une activité non désirée. Mon temps est organisé autour du plaisir, et le plaisir pour moi c’est la liberté, la contemplation, l’imprévu, j’aime fonctionner avec l’improvisation.

Œuvre réalisée par Stéphane Houdet pour Rolland Garros 2024
Œuvre réalisée par Stéphane Houdet pour Roland-Garros 2024

Derrière ces courbes se cache un message que les plus observateurs pourront s’amuser à découvrir 🙂

Mon agenda professionnel repose sur 4 piliers : le physique, le mental, la mécanique pour le tennis et la gestion des différents projets pour la partie extra sportive.

J’ai un incompressible qui correspond aux dates des épreuves, des tournois, que je ne peux pas modifier. Je suis 23 semaines par an sur le circuit. La partie mécanique est gérée par une équipe d’ingénieurs et de chercheurs, je suis l’agenda de leurs emplois du temps. 

A distance des épreuves, je peux choisir la manière d'appréhender mon temps de façon plus libre, donc je suis beaucoup plus proche des chercheurs au retour des épreuves. Plus la date du prochain tournoi se rapproche, et plus je suis sur le court. 

Je fais un mélange de sports mécaniques et de tennis. Je fais beaucoup de tests, je suis passionné par ce sujet de R&D, il s’intègre très facilement dans mon jeu. On tente beaucoup de choses pour garder un coup d'avance.

Stéphane Houdet : l’impact de la science et de l'innovation pour consolider l'expérience

Le tennis-fauteuil, c’est une dextérité extraordinaire dans les mouvements, et un autre rapport au tennis, puisque tu peux perdre des yeux la balle quand tu te déplaces. Comment tu déjoues cela, qu’est ce que ça a impliqué en termes d’apprentissages, en termes de préparation physique ?

Quand on apprend à jouer sur ses 2 jambes, on a une consigne : regarder la balle. Lire la balle dans toutes ses trajectoires en fonction du sol et des gestes.

Dans un fauteuil on a une problématique de déplacement si on veut garder le fauteuil en mouvement. On décrit des grands 8, parfois dos au filet, il y a donc des moments où on ne garde pas les yeux sur la balle.

L’apprentissage qui en découle est associé aux neurosciences.

Quand j’ai commencé, c’était difficile et contre intuitif, je me disais que ce n’était pas possible. Et puis l’expérience m’a montré que ça l’était. Alors j’ai cherché à comprendre, j’ai échangé avec des gens compétents. Et il m’ont démontré que c’était normal, et qu’avec 4 points, 4 images de départ, le cerveau pouvait reconstituer la trajectoire de la balle. Donc avec l’information de la balle qui part et le mouvement de mon partenaire-adversaire, j’arrive à reconstituer dans le cerveau l’image de la balle sans utiliser les yeux.

C’est la même chose qui se joue au volant de notre voiture, quand on estime en un instant la trajectoire d’un piéton, d’un ballon, et que l’on ajuste notre trajectoire sans en être forcément conscient.

Le fait de pouvoir consolider scientifiquement ce que m’apprenait l’expérience, m’a apporté un engagement beaucoup plus fort.

Avec les chercheurs, dans notre protocole on a intégré la mesure du ressenti. Mon ressenti peut me tromper, je peux avoir l’impression que je suis allé plus vite, moins vite, alors que les mesures disent le contraire. Mon appréhension du résultat était mauvaise, et cela m’aide à m’ajuster. 

Dans la mesure du ressenti, j’imagine et j’ai l’explication scientifique. J'adore. Je n’ai aucun problème à changer mon approche, là où mon ressenti n’était pas le bon. Cela ne me déstabilise pas. C’est peut-être lié à mes études vétérinaires, la science évolue, on a imaginé des choses hier qui sont fausses aujourd’hui. 

C’est aussi une manière de se faire confiance, de faire confiance à notre corps, d’apprécier l’étendue de ses possibilités. Je me fais confiance, je sais que mon corps sait faire, il va faire pour le mieux dans chaque situation. 

Stéphane Houdet - Tennis
Stéphane Houdet - Tennis

Le tennis, ce sont des matchs parfois longs, qui demandent de la résistance physique, de la résistance à la douleur, de la ténacité, quelle forme de préparation mentale fais-tu, comment l’inscris-tu dans ton quotidien ?

Je me suis beaucoup documenté, et je me suis posé beaucoup de questions. 

Je crois que l’éducation nous guide de façon essentielle vers cette façon d’appréhender la compétition. Il y a des outils, mais je pense qu’il y a des joueurs qui se sont fabriqués leurs outils à travers l’éducation dès le plus jeune âge. La gestion d’un échec, de la perte d’un match à 7 ans, ou d’une mauvaise note sont des situations de la vie qui te permettent d’apprendre.

Le mental se forge avec des outils mais il est en lien avec chaque caractère. Certaines personnes sont naturellement orientées pour voir le verre à moitié plein, et d’autres à moitié vide. 

Tu es un ingénieur pilote, tu dis que tu pratiques un sport mécanique, ton fauteuil est décrit comme un bijou de technologie, tu mènes des recherches approfondies autour de la conception de ton fauteuil avec des chercheurs du Laboratoire de Biomécanique des Arts & Métiers et du CERAH (Centre d'Études et de Recherche sur l'appareillage des Handicapés), comment mènes-tu ces recherches ? 

C’est la même chose que le développement en Formule 1 : on développe un objet pour une pratique de compétition de très haut niveau, et il va permettre des applications pour M. et Mme Tout le Monde. 

Nous avons fait des thèses sur le sujet, pour comprendre quels étaient les meilleurs roulements, les meilleures roulettes, les meilleurs moyens de fixation des roues au châssis, le poids, etc.. Il faut que les fruits de cette recherche permettent d’améliorer le quotidien des gens concernés.

Je vois par exemple dans les poussettes des évolutions qui correspondent à des recherches de ce type. Elles ont des roulettes plus grandes, des roulements plus performants, elles sont plus légères, plus faciles à ranger. Il y a de nombreuses applications.

Stéphane Houdet : échanger et faire entrer l’autre dans son monde

J’ai pu voir dans certaines interviews que tu pouvais être facétieux, quelle est la part du jeu et de l’humour dans ton parcours ? Quelles forces cela t’a donné ?

L’humour, je l’associe à une éducation, avec un besoin qui est l’autodérision et qui permet l’échange.

Je vais te raconter une anecdote. Il n’y a pas très longtemps, j’étais à Roland Garros en train de m’entrainer avec un partenaire. Le service technique vient brancher les micros et faire des tests.

Ils sont 2, ils demandent s’ils peuvent venir sur le court pour passer les câbles. Un des techniciens s’installe derrière moi, je continue à jouer, je perds le point, et tout de suite je dis "n'importe quoi, y a du monde partout, on est dérangés”. Le technicien va de l’autre côté du court, tire son câble, et mon service arrive tout prêt de sa jambe. Je lui dis “désolé, j’étais attiré par la jambe”. Il me répond “t’es jaloux hein”. Je n’ai rien dit, le gars est parti, j’étais bluffé. Je me demandais “est-ce qu’il serait susceptible de dire la même chose à quelqu’un de paraplégique ?”. 

Je termine ma partie, je le retrouve, et vais lui dire merci. En effet, en me charriant, il m’a intégré dans son univers, donc je peux faire partie du sien, et on peut échanger. Il me raconte qu’il a été guide de colonies de vacances, pour des enfants qui avaient des lésions importantes. L’humour était leur langage, c’est devenu le sien, c’est ce qui lui permettait d'échanger ainsi.

Donc c’est ça qui est important, échanger. C’est philosophique, et c’est la base du respect. 

C’est un peu ce que je regrette dans notre monde d’aujourd’hui. En refusant de chambrer, de se faire des blagues, on n’intègre pas l’autre dans notre monde. 

L’humour est une forme d'éducation pour tous. Dans les centres de rééducation dans les groupes communautaires, les gens se font des blagues entre eux.

On doit pouvoir rire de tout, avec tout le monde. L’autodérision permet de réfléchir. L’humour dépend aussi du récepteur. C’est au récepteur de choisir l'angle sous lequel il veut apprécier ce que veut dire l’émetteur, de se sentir éclairé ou puni. 

Stéphane Houdet : distinctions et prochains objectifs

Tu as été porte-drapeau pour l’équipe de France paralympique en 2021 aux JO de Tokyo 2020 sur vote du public, tu as été également fait officier de la légion d’honneur par le président Emmanuel Macron (3è médaille d’or), qu’est-ce que cela implique pour toi ?

Je suis très sensible à cette reconnaissance de la nation pour les deux. 

Pour le porte-drapeau, nous étions en binôme avec Sandrine Martinet, un homme et une femme. Notre mission était d’être parfois devant, mais toujours derrière nos athlètes, c’était un moment magique, un très grand moment. Il y a eu des votants, je suis très heureux que des gens aient voté pour nous, je leur en suis très reconnaissant. 

Ma légion d’honneur, je l’ai reçue au retour des Jeux avec la promotion des médaillés aux Jeux. C’est la 3è distinction que je reçois et désormais je suis officier de la Légion d’honneur et de l’ordre du mérite. Je suis toujours très touché d’être honoré par un Président de la République quel qu’il soit.

C’est un honneur, ce n’est pas une consécration, car à chaque fois je ne vois pas tout cela comme un point final, mais c’est une tranche de vie agréable à vivre.

Quels sont les prochains objectifs que tu te fixes, si tu t’en fixes ?

Je regarde forcément ce qui va se passer demain, même si j’aime beaucoup l’impro 🙂 

Le plus important de tous, c’est notre quotidien, accueillir mon enfant à venir pour la fin du mois de janvier (ce sera mon 5è), et avant ça de trouver le cadeau d’anniversaire de mon épouse qui se rapproche à grands pas ! 

D’un point de vue professionnel, nous avons reçu le permis de construire du handilab. 

Ce pôle d’innovations et d’excellence  de 15000 m2 verra le jour pour les Jeux en 2024 au cœur du village qui accueillera les athlètes à Paris. Ce bâtiment sera entièrement dédié à l’innovation au service du handicap et de l’autonomie.

Mais ce sera aussi un lieu ouvert à tous pour faire naître la découverte, le dialogue et l’inattendu, facteurs clefs de toute démarche d’innovation.

Sans modestie c’est un objectif magnifique et un projet qui se veut fédérateur pour l’humanité.

On y intègre un programme de formation. On a besoin de managers qui savent travailler avec des gens différents, et aussi de gens différents susceptibles de devenir des managers. Tu l’as compris, l’éducation et la formation sont des sujets importants pour moi. Une fois qu’on est éduqués, on est capables de vivre ensemble, et cela devient un collège de compétences.

En termes d’objectifs sportifs, j’aimerais bien gagner encore des grands chelem, que Paris 2024 soit une énorme fête, mais que ce ne soit pas non plus un point final. Mon objectif pourrait être Los Angeles 2028 voire Brisbane 2032 parce que j’adore l’Australie. C’est loin, mais pourquoi pas !

Quel dernier message tu voudrais passer à ceux qui nous lisent, entrepreneurs et dirigeants ?

Il y a une phrase que j’aime bien sur l’univers des possibles puisqu’on a commencé comme ça “Si c’est possible c’est déjà fait, et si c'est impossible vous le ferez”. 

J’aime bien, car c’est tellement courant dans nos sociétés de se dire que c’est impossible.

J'adore les rêveurs. La dernière fois que j’ai fait ma présentation sur le handiLab, c’était au France Digital Days, et j’ai commencé par “I had a dream”. Je ne voulais pas paraphraser  Martin Luther King (!) mais c’est vrai que j’avais un rêve, et qu’il est en train de devenir réalité.

Parfois on se rend compte que des gens ont doublé, ont anticipé, ont agit sur nos rêves, et que cela peut se faire à plusieurs et de manière encore plus grande.

Stéphane Houdet : Palmarès et Engagements

Stéphane Houdet - Légion d'honneur
Stéphane Houdet - Légion d'honneur

Palmarès : 

Jeux paralympiques d’été :

Engagement :

Distinctions

Le corps et le mental sont indissociables... Gévrise Emane, triple championne du monde et médaillée olympique de judo, nous parle de cette relation étroite. Elle nous donne son retour d'expérience pratique pour se transformer en combattante et permettre au corps et au mental de rester alignés, en compétition et hors compétition. 

“De la même façon que je me rends physiquement opérationnelle et qu’à un moment donné mon corps a tout enregistré, et je peux sortir l’attaque, c’est la même chose mentalement, il faut que mon mental ait enregistré des gammes.”

Dans cette interview, Gévrise Émane nous explique son parcours, ses premiers combats remportés, ses échecs, ses doutes jusqu’à ses premiers Jeux Olympiques. Mais pour devenir une championne, il faut se préparer, s’entraîner, se conditionner, et savoir s’entourer ! Gévrise nous donne ses conseils pour développer des capacités durables et se transformer en combattante. 

Ses méthodes préférées ? Le sommeil pour se remettre en action et la musique pour changer de rythme !

Interview réalisée le 14/09/22 par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces.

Gévrise Émane, la construction d'une championne

Bonjour Gévrise, vous venez d’avoir 40 ans cet été, et vous êtes triple championne du monde et médaillée olympique de judo. Quelles ont été les étapes clé de ce palmarès exceptionnel ?

J’ai découvert le judo à l’âge de 12 ans, ce qui est assez tard, grâce à mon professeur d’EPS qui était aussi professeur de judo. A partir de là, c’est allé vite, j’ai été médaillée sur un championnat de France junior quelques années plus tard et j’ai aussi passé les ceintures très rapidement. Probablement du fait de qualités physiques supérieures à la moyenne, mais aussi grâce à une grande capacité d’apprentissage et de travail.

Je suis une travailleuse, et je pense que le judo, et le sport en général, sont venus révéler ça, et renforcer cette capacité à pouvoir engranger les sciences et techniques que les professeurs m’apprenaient, sans trop rechigner.

Je pense que ça a été une vraie force, et encore plus quand j’ai intégré l’INSEP en 2001 à 18 ans. Ce qui est original ici est que c’est une demande que l’on m’a faite. Normalement on postule, la demande vient du sportif. J’ai fait un pacte moral avec mes parents pour continuer mes études jusqu’à la licence, et d’un commun accord j’y suis allée.

Là c’était la deuxième étape, et je suis passé au niveau supérieur en tout, en terme de charge de travail, en terme de réflexion sur l'activité. Avant j’étais plutôt dans le jeu, là j’ai découvert que ça pouvait être un parcours, et j’ai construit une carrière de sportive.

Ce n’était pas facile, je suis passée de deux entraînements par semaine à des entraînements bi-quotidiens, tout en continuant ma licence de droit.

J’ai fait preuve de patience, car il faut être extrêmement patient pour développer toutes les compétences techniques, mentales, technico-tactiques, intégrer le modèle de performance, la diététique. J’ai incorporé tout cela, et les premiers résultats sont arrivés finalement rapidement en 2002, lors d’une compétition internationale où je suis arrivée 3ème. 

J’ai eu mon premier vrai gros résultat en 2003 sur le Paris Grand Slam, qui est l’un des plus gros tournois au monde dans le circuit international de judo, et ça a été un déclic. Je suis arrivée 3è en battant des filles beaucoup plus médaillées que moi, et plus anciennes sur le circuit.  

Ça a été une compétition de référence : j’ai compris dans quel état je devais être pour pouvoir performer en compétition. J’ai été accompagnée pour comprendre ce que j’avais fait avant la compétition, 2 jours avant, le jour d’avant très concrètement, qui j’avais vu, quelle musique j’avais écoutée, ce que l'entraîneur m’avait dit, avait vu, quelle dynamique j’avais sur le tatamis…

Tout cela m’a permis d’identifier quelle judoka j’étais pour pouvoir réitérer l’exploit. Je me suis donnée l'objectif de l’être tout le temps, dans toutes les compétitions.

Là j’ai décidé d’être sportive de haut niveau et de gagner une médaille olympique.

J’ai goûté à la joie de la victoire, de l’explosion.

Gévrise Emane tenue de judo
© Rafal Burza

J’ai eu un autre déclic aux JO d’Athènes, où je n’étais pas sélectionnée mais où j’étais présente en tant que sparring partner. J’y ai donc accompagné les équipes filles et garçons, je servais de partenaire, et je regardais la compétition. Et là je me suis dis, les Jeux, c’est quelque chose de malade.

On est très sportifs chez les Emane, on regarde beaucoup les Jeux, les tournois et championnats, j’avais déjà été impressionnée par la capacité des athlètes à se dépasser. Et c’est cela que j’ai vu et vécu lors de ces Jeux. Rien que le fait d’avoir l’intention de gagner, de le montrer, et de l’exprimer avec tout son corps, j’ai trouvé ça hyper fort.

Enfin ce qui a construit mon parcours ont été les victoires, mais aussi les échecs. Quand je suis arrivée à mes premiers JO en 2008 à Pékin, j’avais tout gagné. J’arrive à Pékin avec une boule d’excitation positive dans le ventre, et je perds au 1er tour sur une espagnole, qui était très rude mais que je pouvais battre. Cela a été catastrophique pour moi, j’ai été plus que peinée, et il m’a fallu du temps pour récupérer.

J’ai pris le temps de réfléchir à quelle athlète je voulais être. Est-ce que je voulais continuer le judo ? Je pleurais en compétition même si je gagnais, j’avais du dégoût. J’ai fait un très gros travail psychologique d’introspection, sur qui j’étais en tant qu’individu, ma place dans la famille, pourquoi le sport, pourquoi le judo, qu’est ce que cela m’apportait, quelle sportive je voulais être. J’en suis arrivée à la conclusion que je n’en n’avais pas fini avec moi-même, et que j’avais pour ambition d’aller plus loin et de chercher le titre qui me manquait. Je me suis dit “plus jamais comme à Pékin”, et j’ai engagé un gros travail de transformation.

En 2008 pour pouvoir survivre dans cette période qui était très difficile pour moi, j’ai changé de catégorie de poids. Les gens ont beaucoup interprété ce changement, ils ne se rendaient pas compte à quel point ces Jeux avaient été difficiles pour moi, et à quel point j’avais besoin de pouvoir me lancer des défis. Je suis une femme de défis. Je n’étais pas capable de réussir en moins de 70 kg ? J’ai changé de catégorie de poids en 2009 et je suis descendue en moins de 63 kg.

Gévrise Émane, se préparer au combat : s'entrainer et se conditionner

Comment vous-êtes vous entraînée pour en arriver là ? Il y a toute la partie physique, technique de combat, technico-tactique, mais le judo est un art martial et un sport de combat dans lequel la force mentale est aussi essentielle, comment rassemblez-vous les deux ?

Les entraîneurs ont l’habitude de dire “nous le mental, on le travaille sur le tapis”. C’est vrai, mais pas tout le temps 🙂

Je travaille donc aussi avec la préparatrice mentale, que je vois de façon régulière mais à des fréquences non déterminées, quand j’en ressens vraiment le besoin avec un premier travail de fond qui a déjà été fait. 

Mon approche est d’abord de travailler seule, et quand je n’y arrive pas je vais chercher l’aide, j’appelle à l’aide, à l’aide !! Ca vient beaucoup de mon éducation aussi, on est comme ça chez les Emane, nos parents nous ont toujours dit, d’abord tu cherches, et ensuite si tu ne trouves pas, tu nous appelles.

Je travaille aussi beaucoup le mental sur le tatamis, notamment dans cette transformation de qui je suis : la Gévrise au quotidien, qui est cool, tranquille, sympa … et la Gévrise sur tatamis qui doit se transformer en combattante. 

En judo on combat, à la différence d’autres sports comme le tennis, le volley, on n’emploie jamais le mot jouer, ce n’est pas un jeu. Donc il fallait que je devienne combattante, conquérante, et agressive

Ca, je l’ai travaillé physiquement. Au début je ne faisais pas de réveil musculaire, mais à l’INSEP j’ai fait des réveils musculaires même pour l’entrainement : tout ce qui est en amont de la compétition, je l’ai incorporé à l'entraînement

J’arrivais plus tôt que les autres, pour m’échauffer, courir dans le bois qui est en bordure de l’INSEP, faire des étirements, .. Et donc quand on commençait l’échauffement à l'entraînement, j'étais déjà sur le spécifique.

Je faisais ensuite la majorité de mes combats sur une surface de combat comme pour les compétitions. Et avec l'entraîneur nous avions identifié que le 1er combat de la journée que je devais faire, même à l'entraînement, devait être un combat fort. Je fais 1m65, donc soit je prenais une fille plus grande que moi, soit une fille d’une catégorie supérieure à la mienne, voire même un garçon. Et donc le premier combat de la journée ou de l'entraînement devait être un judoka ou une judoka qui me pose problème, de façon à ce que je me mette déjà en mode compétition.

Gévrise émane palmarès victoire
© LUKYANOV-9338

Cette mise en condition très intense vous a permis de développer des capacités de façon plus pérenne, plus durable ?

Oui, plus je le faisais à l'entraînement, mieux je pouvais le faire à la compétition.

Alors bien sûr il ne faut pas le faire tout le temps, car c’est épuisant mentalement, en tenant compte également des consignes que j’avais parfois à appliquer qui peuvent être très précises pour développer ses capacités (chercher une adversaire droitière, appliquer tel schéma de combat,...). Parfois j’avais des consignes et parfois je n’en n’avais pas pour chercher mon propre chemin.

Tout ça mis bout à bout et répété le plus souvent possible, mais pas tout le temps, à l'entraînement, ça m'entraînait le mental pour qu’en compétition derrière ce soit plus facile, même si en compétition il y a également le stress et l’enjeu qui viennent se rajouter.

C’est comme la technique en fait, répéter des ippon seoi nage, répéter ses gammes, … on le fait parce qu’en compétition ce sera beaucoup plus facile car notre corps aura intégré cela.

De la même façon que je me rends physiquement opérationnelle et qu’à un moment donné mon corps a tout enregistré, et je peux sortir l’attaque, c’est la même chose mentalement, il faut que mon mental ait enregistré des gammes.

Tout cela représente un conditionnement important, comment faites-vous pour ressortir de l’état de combat ?

En judo les combats s'enchaînent sur une seule journée, parfois avec seulement quelques dizaines de minutes entre les combats (le minimum est de 10 mn).

Entre les combats j’arrivais à switcher rapidement : je pense déjà au combat d’après, mais je redescends l’agressivité car c’est la période de récupération.

Pour moi la méthode miracle est de dormir, je faisais des micro siestes. 15 mn avant le prochain combat, je me remettais en action. J’utilise beaucoup la musique pour cela, ça m’aide, je change de musique et alors je change de rythme. Pour être agressive j’ai besoin d’être mobile. 

J’ai aussi beaucoup utilisé des mots clés que je me répétais ou que mon entraîneur me rappelait, des termes comme “bouge”, “agressive”, “mobile” .. . pour que ça puisse créer un tilt, et ré-ouvre une phase dynamique, très combative.

Après les compétitions, cela dépendait si j’étais sur le podium ou pas ! Car alors entre les interviews et tout ce qui suit, la phase d’excitation peut durer très longtemps. Et tout à coup ça s'arrête. C’est comme une petite mort en direct. Alors encore une fois la clé pour moi était le repos, une bonne petite sieste pour faire retomber l’excitation. Et puis me reconnecter à la réalité, à mes proches, mes parents, ma famille. On est parfois très déconnecté quand on est sportif de haut niveau, revenir à soi et aux siens est très important.

Faire la fête aide aussi 😉

Gévrise Émane, bien s'entourer pour performer

Quelle représentation avez-vous de votre adversaire ?

J’ai toujours eu un grand respect de l’adversaire. Je la considère comme une personne humaine, et je me la représente en fonction de ses qualités plus que de ses défauts, de ses points forts qui peuvent me mettre en difficulté. C’est un jeu d'échecs, je dois l’amener là où je suis forte et là où je vais la cueillir.

Certains sportifs diabolisent leurs adversaires pour se mettre en état d’agressivité, ce n’est pas mon cas. Je me concentre sur ce qui est technique et tactique.

Ma motivation a toujours été l’envie de progresser, de gagner. C’est bien de gagner, c’est valorisant 🙂 Mais en fait en combat je ne me focalisais pas sur la finalité, je me focalisais sur le comment : comment je fais pour gagner ? Cela m’a toujours beaucoup aidé dans ma manière de voir les choses.

 Un combat on le perd ou on le gagne, c’est comme dans le business, on perd ou on gagne souvent. Que ressentez-vous après un combat perdu, et quels sont vos conseils pratiques pour vous remobiliser ?

Après un combat ou une compétition perdue, je suis dépitée. La déception est aussi grande que la compétition est à enjeu. C’est difficile, et je pense que dans un premier temps il faut se recentrer sur soi, se recentrer sur soi et s’aimer. Il faut s’aimer. C’est la première chose à faire.

La deuxième chose c’est analyser : pourquoi je n’ai pas réussi à conclure ce deal, pourquoi cette réunion avec tel gros client ne s’est pas passée comme je l’aurais souhaitée.

Analyser, c’est bien sûr analyser la séquence à l’instant t, ce qui s’est passé. Mais c’est aussi analyser ce qui s’est passé avant : qu’est ce que j’ai fait avant, le jour d’avant, la semaine d’avant, les 15 jours d’avant. Il y a peut-être des éléments là à récupérer et qui pourront ou non servir, mais ce travail d’analyse sur des éléments complets est important. 

Il faut toujours identifier ce qui a été fait de positif, et ce qui a été fait de négatif - mais pas que le négatif car c’est le plus compliqué. Donc le plus, et le moins.

Regarder si le plus est au taquet ou s’il peut être amélioré, ou en tous les cas comment faire pour le conserver. C’est ce qui fait la force de l’entrepreneur et de l’entreprise, c’est à réalimenter au quotidien.

Quand on analyse pourquoi ça ne s’est pas bien passé, on va chercher comment améliorer, se questionner sur comment en tant qu’entrepreneur je peux améliorer mes points négatifs, ou à qui je peux faire appel pour améliorer mes points négatifs. Car en tant qu’entrepreneur je n’ai pas toujours la solution, je n’ai pas la science infuse, je suis un être humain ! Mais je peux toujours aller chercher, faire appel à quelqu’un pour répondre à cet enjeu là, le décrypter, et m’améliorer.

Et puis il y a des points négatifs qu’on ne peut pas améliorer, et c’est comme ça. Il y a des choses qu’on ne peut pas améliorer, et dans ce cas il faut pouvoir l’accepter.

Par exemple je le sais sur certaines techniques, je sais que je ne ferai jamais un Uchi-Mata à la Abe , c’est comme ça, je l'accepte. Par contre je peux faire Uchi-Mata, mais je le ferai version Gévrise Emane. 

Et ça je pense que c’est important de l’intégrer et de le comprendre, car il y a des choses  que l’individu est capable de faire, mais peut-être pas à la hauteur d’un Steve Jobs ou d’une Oprah Winfrey. Il va pouvoir le faire, à son niveau et avec ses propres qualités, et si ça se trouve ça suffira. Mais par contre il faudra alors mettre l’accent sur ce que je sais faire et que je sais très bien faire, et identifier si je peux les remonter d’1 point, de 2, ou de 3.

Gévrise Emane championne
© IJF RF_Gevrise Emane

Y a-t-il des personnes clés qui ont accompagné tout ce chemin ?

Oui bien sûr, et tout d’abord Monsieur Bicheux mon professeur d’EPS qui m’a fait découvrir le judo, puis Christian Chaumont mon entraîneur de club à Levallois, qui a été mon unique club haut niveau.

Yves Delvingt, entraîneur emblématique, m’a beaucoup impacté par sa rigueur à mon arrivée à l’INSEP  

Cathy Fleury, qui m’a entraînée à l’INSEP de 2005 jusqu’en 2008, puis toute la fin de ma carrière, m’a appris beaucoup de choses, et notamment sur ces aspects-là de combativité, de quelle athlète je voulais être, ça a été énormissime. Martine Dupont qui m’a entraînée en deuxième partie de carrière quand j’ai changé de catégorie a été très importante pour moi aussi, et Magali Baton, ma préparatrice mentale.

Tous, ils m’ont permis d’avoir des déclics, d’être vraiment dans la réflexion de ce qu’est un sportif de Haut Niveau, et de ce que ça voulait dire pour moi.

Et bien sûr mes collègues, les sportifs avec lesquels je me suis entraînée ou avec lesquels j’ai partagé les grandes compétitions, et avec qui j’ai vécu des moments extrêmement forts.

Vous avez pris part au programme ​​Bien Manger, C'est Bien Joué !  lancé en 2005 par la Fondation du Sport. pour apprendre aux jeunes sportifs les bases d'une alimentation adaptée à l'effort physique. Quelle est l’incidence de l’alimentation sur ses capacités physiques et cognitives ?

C’est hyper important - que ce soit dans un sport de combat ou pas. C’est une composante de la logique interne du sport et peu importe le sport en fait, parce que ça peut avoir des conséquences sur le physique et le mental.

De quoi mon corps a-t-il besoin pour avancer ? Quelle énergie m’est nécessaire pour être opérationnelle ? Et ça je pense que pour un entrepreneur ou un sportif de haut niveau c’est la même chose. Est ce que je suis plus efficace si je mange 100g ou 200g de pâtes ? Effectivement je pense qu’il faut l’expérimenter, mais aussi ensuite il faut avoir un expert qui vous accompagne, car sinon c’est impossible.

Cela permet de connaître les apports de chaque aliment en termes de nutrition, et connaître son corps. 

Il n’y a pas de régime alimentaire standard duplicable. Il y a des règles de base à connaître, mais si on veut vraiment être dans la performance après c’est individuel. Nous n’avons pas le même corps, nous ne brûlons pas de la même façon les graisses, nous n’avons pas la même activité. 

Moi je pars du principe que chaque sportif de haut niveau doit voir un.e diététicienne ou nutritionniste au moins une fois dans sa carrière, c’est obligatoire, et ensuite revoir cette personne de temps en temps si nécessaire, ou composer soi-même à partir de là, c’est très possible. Et je pense que pour un entrepreneur c’est la même chose. Car être en capacité de bien s’alimenter aura des bienfaits non seulement sur le mental mais aussi sur le physique.

La nutrition accompagne un bon état physique, et quand on est bien physiquement le reste suit. Je serai plus apte à être vive sur des réflexions à apporter, je serai plus apte à mener de front des activités de réflexion stratégique, un entretien difficile ou une présentation à enjeu.

Je pense qu’il faut vraiment faire appel à l’extérieur pour pouvoir être bien au niveau nutrition, et que c’est hyper important.

Quel mot de la fin avez-vous envie de dire aux personnes qui nous lisent, et qui évoluent dans des environnements extrêmement compétitifs ?

J’ai envie de leur dire de se faire confiance, c’est essentiel d’avoir confiance en soi, confiance en ses équipes, et ça se construit au quotidien

La confiance, c’est la base. Quand on n’est pas en confiance, on a peur, peur de se tromper, on arrive à taton, on est sur le recul, et on se fait massacrer. Et au judo on le sent, ça peut faire mal physiquement et moralement 🙂

Et enfin de mettre en place les stratégies de transformation nécessaires pour que les équipes soient plus performantes au niveau collectif pour atteindre les objectifs souhaités.

Il faut dans ces stratégies, poser son organisation en valorisant les qualités de chacun. Cela nourrit et développe également la confiance en soi. Les équipes seront ensuite plus à même de se donner à 100%.

Palmarès et engagement de Gévrise Émane

Gévrise Emane judo
© Stephane Nomis

Missions actuelles :

Culture de la gagne, gestion du stress, de l’échec, prise de décision rapide et multi-facteurs … comment maintenir sa motivation jour après jour dans un environnement extrêmement exigeant ? 

Avec 200 jours de navigation par an, une médaille olympique et un palmarès exceptionnel, Jonathan Lobert nous donne les clés qui l’ont amené vers ces résultats hors norme.

Détermination, humilité, développement des sens, partage et ouverture d’esprit sont autant de qualités que doit développer un champion qui dure. 

Cette interview a été réalisée le 24 juin 2022 par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces. 

Jonathan Lobert, la naissance d’un champion

Bonjour Jonathan, tu as un parcours sportif exceptionnel en voile olympique, peux-tu nous présenter rapidement comment tu en es arrivé là ?

Quand j’ai commencé la voile, j’avais 7 ans sur la Saône à Mâcon, comme quoi on n’a pas besoin d’être breton pour être un grand régatier :)... Je faisais plein de sports mais aucun ne me plaisait vraiment au point que je m’y investisse. Mes parents m’ont inscrit dans ce club de voile, j’ai tiré mes premiers bords et j’ai trouvé l’activité super ! Être seul dans mon bateau, le faire avancer, me positionner par rapport aux autres. C’était un petit club, donc j’ai pu faire des compétitions très vite. La première fois, j’ai été dernier, et puis rapidement j’ai progressé. J’adorais partir le week-end entier avec les copains pour régater, passer toute la journée à naviguer, c’était vraiment top, ça me faisait beaucoup de bien d’être dehors.

Et puis en 2000, par hasard un matin j’allume la télévision pour regarder les jeux olympiques, et coup de chance c’était de la voile. C’était la dernière course de la semaine en laser, remake des jeux d’Atlanta où Robert Scheidt (Brésil) avait battu Ben Ainslie (Grande Bretagne). L’anglais Ben Ainslie finit par s’imposer devant le Brésilien, c’était un vrai match race. Je sortais juste des championnats du monde d’optimist où j’avais été 21ème, et je me suis dit “moi aussi je veux aller aux Jeux, et gagner une médaille”. 

Ce qui est sympa dans l’histoire, c’est que 12 ans plus tard aux JO de Londres, je me suis retrouvé sur le podium (médaille de bronze) avec Ben Ainslie (médaille d’or) qui m’avait inspiré.

Comment t’es tu entraîné pour arriver à ce niveau ? 

L'entraînement est d’abord technique. Il se fait beaucoup dans la répétition. Répéter les manœuvres pour que ça devienne presque automatique, ne pas réfléchir pour faire le geste, être toujours à la recherche du geste parfait. C’est beaucoup de travail de feedback avec l'entraîneur, pour confronter ce que lui observe, et ce que moi je peux ressentir sur le bateau. 

La difficulté en voile c’est que chaque manœuvre peut être différente en fonction du vent, des vagues, du plan d’eau, c’est très technique. La compétence technique permet de libérer une capacité de prise de décision extrêmement rapide, par rapport aux adversaires, au vent, dans une vision très stratégique. 

Quand on navigue, on récolte des informations en permanence (les nuages, l’eau, les adversaires,...). L'expérience en voile donne de la capacité à traiter l'information, reconnaître des expériences déjà vécues, à réagir très vite, et à se positionner très rapidement. Au fur et à mesure de la progression et des parcours, on devient de plus en plus expert, et on est en capacité de se positionner de façon optimale par rapport aux situations.

Jeux Olympiques de Rio, 2016

Ressentir son environnement et écouter ses sensations

Tu parles des informations perçues, des ressentis, comment développes-tu cette capacité de perception accrue ?

Le ressenti est essentiel pour nous, pour avoir une sensibilité fine de ce qui peut se passer.

Nous faisons aussi beaucoup d’exercices à l'entraînement les yeux bandés, pour développer l'ouïe, le ressenti du vent sur le visage, des indicateurs qu’on a tendance à oublier.

De l’extérieur, quelqu’un qui ne voit pas qu’on a les yeux bandés ne peut pas voir la différence. Ce sont des entraînements très fatigants nerveusement car ils sollicitent une concentration très intense, beaucoup d’attention.

On travaille souvent sur le fait de bloquer un paramètre - par exemple en vent arrière, bloquer la barre, et ne jouer que sur l’assiette et le réglage des voiles pour faire avancer le bateau. De même pour le développement du matériel, on va avoir un coureur étalon qui ne change rien au matériel, et nous on fait des tests spécifiques.

Est-ce que ces sens très développés te sont encore utiles maintenant que tu as quitté les plans d’eau ?

Oui, souvent ma femme me dit que je suis hyper attentif aux petits détails. Cela me donne des clés de lecture des gens qui sont en face de moi, de leur langage corporel. Cela m’aide énormément dans le business pour percevoir les gens, savoir ce qui se passe, deviner des ressentis. Je suis très à l'écoute de ce qui nous entoure, cela me donne aussi une grande capacité d’empathie.

L’humilité et la préparation, vecteurs de réussite

Tu me disais sur ce sujet, que comprendre l’état émotionnel de l’autre pour être en puissance était essentiel dans la relation entraîneur - entraîné. Peux-tu développer cette importance de gérer les émotions de façon conjointe, qui peut être aussi une clé dans la relation associés dans le business ? 

Oui, très concrètement avec mon entraîneur François le Castrec sur la PO de 2012 (Préparation Olympique - on a travaillé vraiment ensemble à partir de fin 2008), on a fait le choix assez rapidement de vraiment travailler sur notre binôme et notre façon de communiquer. 

Pendant les courses, François est dans un zodiac et moi sur le bateau, donc on ne peut pas communiquer. On ne peut communiquer seulement entre les courses, et on a très peu de temps pour cela. C’est donc important de dire des choses de façon pertinente entre les manches, pour enfoncer le clou sur des très bonnes approches, ou rectifier ce qui ne passe pas. L’idée était qu’il n’y ait pas d’émotionnel qui rentre dedans, et de pouvoir communiquer simplement sur l’objectif et la stratégie. Si je suis frustré après une mauvaise manche, je dois quand même être capable de l'écouter, et lui doit être capable de me parler.

On a appris ensemble à gérer nos stress réciproques, car je peux avoir du stress, mais lui aussi. Le dernier jour des JO il était très stressé, mais on avait préparé ce moment-là, on l’avait anticipé. C’était OK pour moi, on a pu en parler, et j’ai pu partir naviguer serein.

On avait appris à bien se connaître pour mieux travailler ensemble, et surtout accepter que l’autre ne puisse pas être bien sans que cela impacte la qualité du travail, ou du ressenti de l’expérience de l’autre.

Tu m’a aussi parlé d’humilité, et ça a fait écho en moi. Je pense aussi qu’un entrepreneur, pour réussir doit avoir à la fois une ambition immense mais aussi une humilité très forte pour absorber toutes les informations qui lui sont communiquées, les faire siennes, et s’adapter, transformer son approche quand c’est nécessaire. Qu’est-ce que l’humilité pour toi et pourquoi est-elle si importante à haut niveau ?

Dans la voile l’humilité on l'apprend un peu à nos dépends au début, car on peut partir avec les meilleurs réglages, on pense qu'on est parfait mais il y a des éléments qu'on n’a pas perçus et tout ce bon travail est mis à zéro. On peut se faire battre par un adversaire qui a moins travaillé, qui est moins bien préparé, mais qui a su saisir une opportunité qui fait qu’il est devant.

On apprend qu’on ne peut pas toujours gagner, et qu’on ne peut pas maîtriser ce que font les autres, donc on se concentre sur ce qu’on fait nous.

Jonathan Lobert

Et c’est comme ça qu’on développe cette capacité qu’on a sans cesse, malgré les échecs, de pouvoir retourner régater, recommencer et refaire quelque chose qui était peut-être la bonne méthode dans une autre situation.

On évolue dans un milieu où on sait que la nature est plus forte que nous. Quand on se lève et que le vent est trop fort, ça nous rappelle à l’ordre. C’est un environnement qui est en perpétuel changement, qui est vivant. Il y a des règles de sécurité de base qu’il faut toujours respecter.

C’est très proche de la montagne pour moi, on ne part pas en montagne si on n’est pas très préparé, et si on n’est pas aussi capable de s'arrêter quand les conditions changent et présentent des risques qui peuvent devenir vitaux. 

Partager pour progresser

Tu soutiens “Partager c’est gagner”. Comment cela se caractérise-t-il ?

Je suis persuadé que le partage permet de progresser. Quand tu maîtrises une technique que tu as eu du mal à acquérir ou que tu as développée, le fait de la transmettre te permet de la formaliser, de mettre le doigt sur des potentiels d'amélioration, et le questionnement te fait découvrir des choses. La personne en face de toi ne va pas l'appliquer exactement de la même manière que toi, et va ajouter des éléments à ta façon de faire, qui peuvent être très intéressants.

Podium Londres, 2012

Transmettre permet de se nourrir les uns les autres pour progresser, il faut savoir que ce n’est pas quelque chose que tu perds. Quand tu donnes, tu deviens encore plus sachant, c’est s’enrichir, se développer, devenir meilleur.

Jonathan Lobert

On voit souvent des gens qui cachent des choses, et qui ont peur de perdre ce qu’ils ont construit. En fait, dès qu’une personne s’approprie ce que tu as développé, tu peux identifier tout de suite ce qu’elle fait de différent, et tu peux l’ajouter à ta technique si c’est valable. Et tu gardes toujours un temps d’avance car la technique de départ, c’est toi qui la maîtrises le mieux.

Je l’ai appris de façon un peu difficile, car au début j’avais appris tout seul pendant 2,5 ans, et pour rentrer dans le groupe de la PO je devais partager tout ça, alors que j’avais beaucoup galéré. La PO se travaille en équipe, et il fallait que j’explique à mon partenaire tout ce que j’avais développé pour gagner, pour qu’on puisse se préparer ensemble. C’est très spécial, car ton partenaire est aussi ton compétiteur, car à la fin de la PO il n’y en n’a qu’un des deux qui part aux JO, on est donc très tiraillé.

Mais à partir du moment où tu arrives à basculer dans un état d'esprit et un fonctionnement de transmission, tu ne fais que gagner. 

Jonathan Lobert

Tu te libères de cette pression psychologique et du stress. C’est comme ça que tu prends un ascendant psychologique. On est des compétiteurs, tout l’enjeu est de prendre le dessus sur l’autre, c’est aussi un jeu psychologique en amont des régates et des compétitions. Comment tu perçois ton adversaire, et comment tu te positionnes par rapport à lui est essentiel. Est-ce que tu passes 4 ans à avoir peur de lui, ou tu te mets dans une posture où à chaque fois tu progresses, et tu fais quelque chose d’intéressant ? 4 ans c’est long, et parfois certains éclatent au moment des sélections car la pression est encore plus forte.

Dans le business ça arrive souvent avec le sujet de la concurrence.

Quand on se retrouvait en compétition avec des étrangers, une des choses qu’on essayait de faire le soir était de positionner de façon hyper objective notre niveau par rapport à eux.

C’est extrêmement important pour développer ensuite une stratégie pertinente et pouvoir progresser. C’est un juste curseur, et il ne faut se voir ni trop petit, ni trop beau.

C’est une revue à faire dans chacun des domaines (technique, tactique,..), et une difficulté ne doit pas être prise comme quelque chose de négatif, mais au contraire très positif pour trouver un nouvel indicateur, un nouvel axe de travail.

Souvent, on n’accepte pas de se positionner de façon objective. Pour ça, la confiance avec l’entraîneur est hyper importante, car si on sait que tout le monde est dans cette objectivité d'analyse, on peut être très pertinent sur les feedbacks.

Le plus difficile à accepter, c’est quand tu as été bon dans un domaine, et que tu te fais rattraper et dépasser. Il faut se redonner suffisamment de motivation pour aller chercher le petit détail que tu ne faisais pas encore bien, et qui peut t’emmener plus loin.

Utiliser la frustration sur quelque chose de positif permet de reprendre l'avantage.

Motivation et relation face à l’échec

Ok, mais tout l’enjeu est là, comment remobilises-tu ta motivation ?

C’est lié à l’objectif global - où est-ce que tu veux aller de manière générale.

Est-ce que tu as toujours cet objectif en tête dans ton esprit d’aller chercher une médaille aux Jeux ?

L’objectif d’être toujours le meilleur possible pour aller chercher une médaille m’a redonné la possibilité de me remobiliser de nombreuses fois.

Et que se passe-t-il en cas d’échec ? 

L’échec est une information supplémentaire pour accéder à un autre niveau. Derrière l’échec, il y a à valider quelque chose qui n’a pas fonctionné, et à changer de route.

Il n’a pas d’impact négatif, c’est une information.

Il faut rentrer dans une logique de positiver les choses qui nous arrivent, plutôt que de sans arrêt se plaindre, sinon on se tire vers le bas. C’est ce qui permet de progresser très vite plutôt que de s’handicaper.

Quelque chose que l'on réussit, mais pas parfaitement bien, est une information qui est beaucoup plus difficile à traiter. La contre-performance m’a toujours donné plus de rage.

Là je sens quand même qu’il y a aussi un sujet de confiance en soi, qui est très forte chez toi.

C’est vrai, mais en fait je me suis toujours dit que finalement on était tous des êtres humains, et donc qu’il n’y pas de raison que quelqu’un puisse faire quelque chose que je ne pouvais pas faire. 

Il ne faut pas mettre les gens sur un piédestal, tout en restant tout à fait respectueux de leur niveau. Ils ne doivent pas représenter une limite.

Jonathan Lobert

C'est de cette façon que j'appréhende mes adversaires. Même Ben Ainslie, beaucoup s’imaginent qu’il est imbattable. Mais il n’y a pas de raison à ça, même si c’est une légende, on doit pouvoir le battre. 

Dans cet état d'esprit, chaque fois que tu réussis quelque chose de nouveau, de difficile, devient un levier de motivation hyper fort, qui te confirme que c’est possible, qu’il n’y a pas de raison de ne pas continuer.

C’est ce que je dis toujours à ma fille : si tu veux faire quelque chose, il faut que tu essayes. Si tu n'y arrives pas, tires-en les conclusions, mais quoi qu'il arrive tu vas essayer.

Après il y a de la discipline - c’est ça qui permet de maintenir le niveau, se remettre en question, aller plus loin, être ouvert à toutes les techniques qui t’entourent. On en revient encore à ce duo ambition-humilité. Il faut être lucide par rapport à qui on se bat.

Découverte et ouverture d’esprit

D’ailleurs, tu disais dans une interview “Je pense qu’aujourd’hui ce n’est pas possible pour un sportif, notamment d’un sport peu ou pas médiatisé, d’être simplement focalisé sur sa discipline sportive. Le gain obtenu lors de ces différentes expériences représente un apport essentiel afin de me faire évoluer dans le cadre de ma pratique sportive, mais également dans ma vie d’homme au quotidien.” Peux-tu développer cette nécessité d’ouverture au monde, et ce qu’elle t’apporte dans ta pratique ?

Explorer est extrêmement fondamental. C’est découvrir, rester très ouvert sur ce qui t’entoure, récolter un maximum d’information sans arrêt pour pouvoir les analyser et en faire quelque chose.

Nous sur l’eau, on n’a pas d'outils, pas d’informations, les seuls capteurs dont on dispose sont nos yeux, nos sensations. Tous nos sens sont en éveil pour pouvoir rester en phase avec ce qui nous entoure.

Dans ta vie quotidienne as-tu cette même approche d'ouverture ?

Oui, je suis toujours en train d’explorer. En cuisine par exemple, je goûte tout ce que je peux, j’explore, j'expérimente, pour découvrir ce que j’aime ou ce que je n’aime pas.

J’essaye toujours d’aller plus loin, de ne pas me contenter de ce que j’ai. Je cherche à apprendre et à découvrir, pour pouvoir après utiliser mes découvertes et me les approprier.

Est-ce que ça te permet de faire des liens incongrus ?

Oui, j’ai un exemple très précis. Quand j’étais à Rio, j’étais parfois barbouillé sur l’eau, alors que d’habitude je n’ai pas le mal de mer.

Mon entraîneur s’intéressait aux huiles essentielles, et j'étais en train de les sentir quand j’ai senti une immense fraîcheur en respirant de la menthe poivrée. Je me suis tout de suite dit “quand je me sens mal, ce que j’aimerais ressentir c'est de la fraîcheur, on va essayer ça”.

Je m’en suis mis sous le nez, ça a hyper bien marché, ça m'a complètement enlevé le mal de mer sur cette journée-là.

La raison pour laquelle ça a marché, c’est aussi parce que j'étais très au fait de mes sensations, et je savais que j'avais envie de frais. Je peux aussi dans ces situations boire des gorgées d’eau très fraîches, ça me fait beaucoup de bien. 

Savoir ce qui nous fait du bien est essentiel. On entend souvent “le sport ça se fait dans la douleur, c’est dur”. Je ne suis pas d’accord avec ça. Il faut se mettre en condition pour réaliser une performance, donc des conditions qui sont optimales pour toi. Et pour cela il faut se mettre à l'écoute du corps et savoir ce dont il a besoin.

S’autoriser à être extrêmement attentif à soi est important. Ce n’est pas égoïste, c’est se connaître extrêmement bien, ce qui permet d’aller chercher ce qu’il nous faut, et derrière de se concentrer sur autre chose. De ne pas être parasité par une sensation qui nous perturbe, et à nouveau de se focaliser sur notre objectif.

Objectifs et nouveaux défis

On retrouve le sujet de l’objectif qu’on avait abordé à propos de la motivation. Je pense que c’est la grosse différence avec le milieu du business, vous avez des objectifs très difficiles à atteindre, mais très clairs à formuler.

Oui, avoir un objectif très clair est super important. Ça veut dire savoir quel est l'objectif de ta journée, ce que tu dois faire, et très bien réaliser.

Après il s’agit de se conditionner, tout en faisant avec ce qui se passe autour de toi.

Si sur l'eau tu n'as rien à manger, il faut acter - et passer à autre chose. Peut-être rechercher moins de performance, et faire des choses plus simples. Adapter le niveau d'exigence à chaque cas, pour pouvoir réaliser correctement ton action compte tenu de ce facteur là.

La finalité a énormément d’importance au niveau émotionnel. Je crois que dans le business la notion d'argent n’est souvent pas positionnée au bon endroit, et que c’est souvent un problème pour les gens. Il faut vraiment se poser la question de son objectif final et global, et savoir ce qui est de l’ordre du moyen, ou de la fin.

Il faut avoir un objectif clair, et le questionner régulièrement est essentiel car ton objectif peut évoluer. Est-ce que tu t’entraines pour avoir une médaille, ou te qualifier aux Jeux ? L’objectif peut changer en fonction de la façon dont ça se déroule, il n’est pas figé.

De même, savoir qu’il n’y a pas une seule manière de faire quelque chose, te permet d'être beaucoup plus tranquille sur les stratégies que tu décides de mettre en place.

La transmission est pour toi essentielle, qu’est ce que tu veux transmettre absolument, et quel serait le message que tu voudrais passer aux personnes qui s’engagent dans des défis qui peuvent sembler impossibles ?

Le premier message c’est de ne surtout pas écouter les rabat-joie, les gens qui ont tendance à te dire que ce n'est pas possible. Souvent ils sont jaloux, mais surtout ils ne vont rien apporter au projet.

Et rester très objectives par rapport à là où elles en sont, ce qu’elles sont capable de faire. 

Un objectif élevé est une succession de petits objectifs atteignables.

Le moteur c’est la vision, c'est ce qui tous les jours va mettre de l'essence dans la machine.

Jonathan Lobert

Ce qui te permet d'y arriver, ce sont toutes les petites satisfactions du quotidien sur lesquelles tu vas pouvoir prendre appui.

C’est un va et vient permanent, qui revient un peu à cumuler des petites pierres pour permettre de construire une pyramide !

Propos recueillis par Thérèse Lemarchand, Mainpaces


JONATHAN LOBERT

Jonathan Lobert : biographie

Coureur en Voile Olympique catégorie Finn (dériveur olympique solitaire pour les grands gabarits), j’ai commencé la voile à l’âge de 7 ans sur la Saône à Mâcon. Passionné et déterminé,  j’ai réalisé quatre campagnes olympiques durant ma carrière : Pékin 2008, Londres 2012,  Rio 2016 et Tokyo 2020. Ma sélection s’est confirmée pour participer aux Jeux Olympiques de  Londres 2012 et Rio 2016.  

Au cours de mes douze années en Équipe de France de Voile Olympique, j’ai réalisé le  palmarès suivant : 

Ma carrière de Sportif de Haut Niveau a pris fin en 2021. 

Depuis cette année, je suis en formation en Executive Master Management Général Online à  l’EM-Lyon Business School.  

En parallèle de cette formation, je développe différentes propositions de services sur ma  société JL Sailing, comme : du coaching et du consulting en voile auprès d’amateurs et de  professionnels, des conférences en entreprises me permettant de partager les méthodes de  travail mises en place avec mon équipe, au cours de mes différentes campagnes Olympiques, pour atteindre mes objectifs, mais également un team-building pour une équipe de travail, à  bord d’un voilier haut de gamme. 

Élu membre de la Commission des Athlètes de Haut Niveau au sein du Comité National Olympique et Sportif Français, j’interviens pour améliorer l’esprit d'équipe entre les Sportifs  de Haut Niveau de différentes disciplines. L’objectif est d’instaurer un fort sentiment  d’appartenance à l’Équipe de France et de mettre en place un partage permanent entre les  Athlètes, notamment pour le passage d’expérience entre générations. La mission de la CAHN  est avant tout de faciliter l’environnement de travail des athlètes pour les aider à performer. 

Navigateur régulier sur différents océans et mers, je suis spectateur d’une pollution de plus  en plus présente. Pour partager ce constat et agir pour la protection de cet environnement  magnifique, j’ai rejoint le Blue Collective afin de m’investir au sein de Surfrider Foundation  Europe.

Entrepreneur et sportif de haut niveau, quel parallèle ?

Bonjour Alexandre, 

lors de nos discussions tu me disais que tu trouvais une très grande proximité entre les sportifs de haut niveau et les entrepreneurs, peux-tu développer ?

Dépassement de soi, remise en question permanente, goût du challenge, le sportif de haut niveau ne s’endort pas sur ses lauriers. C’est pareil pour un entrepreneur. Si un jour un entrepreneur se réveille et n’a pas la niaque, c’est toute l’entreprise qui ralentit, comme dans une équipe sportive.

Avec la plupart des entrepreneurs que j’ai rencontrés, nous étions liés par cette notion de dépassement, de culture de la performance.

Pour moi un entrepreneur est un sportif de haut niveau, car il a ce même niveau de pression, d’engagement, quand tu diriges une entreprise tu es le capitaine d’un navire, c’est très lié avec le sport.

Quels sont les thèmes que tu es amené à aborder dans tes interventions ?

"Entre une équipe et un groupe, il y a d'énormes différences"

Les thèmes qui reviennent souvent sont l’équipe. On est une société de plus en plus individualiste et ce n’est pas évident de rassembler une équipe. Entre une équipe et un groupe il y a d’énormes différences. Faire que tout le monde soit imprégné de cette envie d’aller dans une même direction, en tenant compte de leurs particularités, c’est l’enjeu. Les égos sont là, il y a des différences d’âges, d'énergie. Il faut arriver à faire cohabiter cet écosystème.

Qu’est ce qui t’a amené au Water Polo ?

J’adorais nager, c’était quelque chose qui m’habitait. Je passais mon temps à aller sur les plages marseillaises, je restais dans l’eau, j’étais dans mon élément.

Mes parents ont détecté cette appétence chez moi et m’ont proposé d’aller faire un test au Cercle des Nageurs de Marseille. C’est un cercle hyper prestigieux, je n’étais pas de ce monde, je suis un enfant des cités marseillaises, j’étais très impressionné.

J’ai passé le test de 50 M avec Alexandre Jany - détenteur de 7 records du monde et 15 records d’Europe, et j’ai été reçu.

J’ai fait 5 ans de natation, mais le côté ludique, sport de balle, collectif, équipe m’a manqué, et c’est comme ça que je me suis tourné vers le Water Polo.

Alexandre Camarasa dans l'eau
Alexandre Camarasa

Qu’est ce que tu as mis en oeuvre de plus significatif pour arriver à ce niveau ?

(cf Biographie - Alexandre a multiplié les titres de champion de France et champion d’Europe, a été capitaine de l'équipe de France de water-polo au Jeux Olympiques de Rio en 2016).

" Ceux qui font des choix contraires créent des situations très compliquées à gérer. L’équipe est au dessus de tout, de toutes les individualités."

Je crois que ma grande force a toujours été de comprendre profondément ce qui faisait la force d’une équipe. Dans une équipe chacun a une volonté propre, et chacun doit connaître son rôle précisément. Par exemple, moi je suis attaquant de pointe- Je sais que même si je suis à 10 m de la cage je ne dois pas tirer, car je suis bon entre 2m et 4 m. Donc je vais laisser la place à un autre qui est positionné pour ça. L’équipe et le plan de jeu sont extrêmement importants. J’ai toujours constaté que les éléments qui ne rentraient pas dans le plan de jeu faisaient que cela ne marchait pas, quel que soit leur talent individuel. L’équipe doit avoir confiance. Cela permet à chacun d'être pleinement dans le jeu et d’anticiper quand c’est nécessaire. Ceux qui font des choix contraires créent des situations très compliquées à gérer. L'équipe est au-dessus de tout, de toutes les individualités.

Alexandre Camarasa médaille
Alexandre Camarasa - Médaille

Quand tu as confiance, tu es serein. Tu sais que dans certaines situations ton coéquipier va faire l'effort supplémentaire pour te couvrir. Mon poste est vraiment un poste de combat, et il est courant que lors du retour en défense j’aie du retard sur mon adversaire direct. Cependant j’avais confiance dans mes équipiers, car je savais qu’ils allaient faire le travail pour me permettre de rattraper mon retard.

La médiation pour développer son leadership

Quel est le rôle du capitaine d’équipe, et comment es-tu devenu Capitaine de l’Equipe de France pour les JO ?

Le Capitaine est le lien entre l’équipe, le coach, et les institutions. C’est un tampon entre l’équipe, ce que les joueurs ressentent, les demandes du coach, et celles de la fédération. Il a pour objectif de mettre les athlètes dans les meilleures conditions pour jouer.

Le Water Polo est le parent pauvre de la Fédération Française de Natation, il manque de moyens, ce n’était pas évident. Les conditions de travail n’étaient pas bonnes, et les installations sportives, old school.

Mon but a été de permettre à cette équipe de progresser, de faire fi de ces conditions difficiles pour progresser.

C’est le Coach qui m’a choisi. Je crois qu’il a valorisé mon côté collectif, très tourné vers l’équipe. C’est ma force, ça peut être aussi ma faiblesse. Faiblesse car on peut parfois s’oublier, et déjouer.

J’avais aussi cette envie et cette capacité à être représentant de l’équipe, à la montrer, la mettre en avant.

Enfin il y a dans cette fonction un caractère diplomatique, une capacité à être médiateur importante. Quand il y a une décision à prendre le coach te consulte en amont sur le ressenti de l’équipe, c’est également le cas avec la Fédération.

Pour toi, qu’est ce qui est le plus important pour tes joueurs ?

"Si les conditions de travail ne sont pas bonnes, tu es moins dedans, tu t’évades, tu n’es pas à 100% dans ton sport."

Les conditions de travail sont très importantes. Quand ton esprit est totalement tourné vers la performance, le développement des aptitudes physiques et psychologiques, tu peux atteindre le niveau supérieur. Les athlètes sont des Formule 1 réglées au millimètre. Je crois que ça doit être la même chose pour des entrepreneurs. Si les conditions de travail ne sont pas bonnes, tu es moins dedans, tu t'évades, tu n'es pas à 100% dans ton sport.

La préparation mentale, alliée pour gagner en sérénité et confiance

Où se situe le bon réglage ?

C’est quand tu es serein psychologiquement. C’est la tête qui fait le taf. Je me suis retrouvé plusieurs fois face à des adversaires beaucoup plus forts techniquement que nous, mais qui s’effritaient au fur et à mesure des compétitions, ils ne tenaient pas la pression.

Dans le sport nous avons un côté très animal et primaire qui s’exprime. Le sport c’est aussi un rapport de force. Mon coach nous disait tout le temps que dans le Water Polo le succès repose sur les 3C :

Comment vous accompagnez cette sérénité essentielle que tu soulignes ?

"Il faut hyper bien se connaître 🙂 C'est la base."

On travaille avec un préparateur mental qui agit sur nos pensées limitantes.

Et sinon le travail se fait seul. Tous les WE après les matchs, j’ai toujours pris un moment d’analyse et d’introspection, et si ça n’a pas marché pour savoir pourquoi, ce que je pouvais faire pour améliorer la situation, faire en sorte que ça marche.

En quelque sorte une analyse et un audit global pour mettre en place une stratégie et un plan d’action à moyen - long terme

Par exemple, il m'est arrivé de me sentir lourd - et de mettre un programme de perte de poids. Ou de sentir que mon explosivité n’était pas au niveau requis pour performer.

Après ces constats, j'ai pris les décisions nécessaires pour avancer.

Mais ça ça implique de bien se connaitre !

Oui bien sûr ! Il faut hyper bien se connaître 🙂 C’est la base. Savoir quelles sont mes forces, mes faiblesses, où je veux aller, ont toujours été mes objectifs.

Moi je ne nage pas à une vitesse de fou, je ne tire pas à 400 kmh. Mais j’ai un gros coeur, je donne tout, et dans les matchs c’est ma force.

S'engager pour donner du sens

Tu as fait un double Master avant d’être recruté chez KPMG comme Auditeur FInancier. Comment as-tu réussi à mener ces études et ta carrière en parallèle de tes engagements sportifs ?

Pendant mes études je m’entrainais tous les jours le matin (jusqu’à midi) et le soir, j’étais en amphi l’après-midi. De la même manière, quand j’ai commencé l’année dernière chez KPMG j’étais à à mi-temps. Maintenant j’ai quitté les bassins, je travaille à plein temps, et je joue pour mon plaisir avec les vétérans.

J’adore ça, on est tous ensemble avec le même maillot, on s’amuse. Ca ouvre d’autres expériences, par exemple la semaine prochaine Maroc nous jouons dans un tournois international Marocain, c’est motivant, ça me fait également plaisir de promouvoir le sport dans ce pays.

Je me suis retrouvé chez KPMG car la personne qui m’a fait entrer m’a parlé de l’esprit d’équipe. Senior, juniors, managers, tous ensemble sur le même projet, c’est ça qui m’a motivé. Je voulais également me former en finance, pour acquérir une légitimité pour mes futurs postes, et préparer l’avenir.

J’ai une ambition forte pour ma nouvelle carrière dans le monde économique. Je gère ça comme pour le sport. J’ai toujours voulu viser les étoiles, et je fais tout pour les atteindre.

Je me donne les moyens pour y arriver.

Alexandre Camarasa devant KPMG
Alexandre Camarasa - KPMG

Tu es représentant des athlètes au sein de la commission des athlètes de haut niveau au comité olympique. Quel est votre objectif ? Sur quoi agissez-vous ?

Le sport professionnel est en fait très loin de l’image que l’on peut en avoir avec le foot. En termes de conditions d'entraînement, d’argent, de vie, de reconversion. Mon but et celui de la commission, c’est d’aider les sportifs dans l’ensemble de leurs problématiques.

Reconversion, cursus universitaires adaptés, financement, lutte contre toutes formes de discriminations,.. En France il y a plein d’endroits qui ne sont pas adaptés aux enjeux des sportifs. 

Nous avons également l’objectif de créer un sentiment d’appartenance à une grande équipe de France, intersports. Nous sommes 50 athlètes rassemblés pour traiter ces sujets.

Moi, le sujet qui me tient à coeur, c’est celui de la reconversion. Du jour au lendemain ta carrière sportive se termine, et si tu n’es pas préparé, c’est compliqué. C’est très dur tous les jours, de ne plus s'entraîner, de ne plus faire partie de ce projet qui te dépasse en même temps qu’il te fait vivre. Je crois beaucoup dans l’importance de faire du mentoring, c’est la même chose que pour l’entrepreneuriat, ce genre de moments de vie très exceptionnels ne s’apprennent pas dans les livres, ils s’accompagnent par transmission. 

Où se jouent pour toi les relations, si essentielles dans tous les engagements que tu prends ?

"Le respect est essentiel. C'est avoir un comportement irréprochable avec l'autre, et même quand c'est difficile pour toi, de ne pas faire souffrir l'autre."

Pour moi, la base d’une relation, c’est le respect. Le respect est essentiel. C’est, avoir un comportement irréprochable avec l’autre, et même quand c’est difficile pour toi, de ne pas faire souffrir l’autre :

Parfois dans l’équipe, il nous est arrivé de nous battre. Le coach nous incitait toujours la matinée suivante à aller au café, discuter, passer du temps ensemble, et parler.

Je suis pour les comportements positifs. Pour ça, les américains sont hyper bons. Cela donne de l’entrain, tu te sens appartenir à l’équipe. 

Je suis très ouvert et c’est ce qui m’a permis d’être capitaine. Aller vers les autres est essentiel. Certaines personnes sont plus réservées, introverties, c’est à nous de casser la glace et de les impliquer, de faire qu’elles se sentent pleinement membres et intégrées à l’équipe. Personne ne doit rester au bord de la route.

Propos recueillis par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces

Alexandre Camarasa en biographie

Je suis un ancien joueur de water-polo, capitaine de l'équipe de France de water-polo au Jeux Olympiques de Rio en 2016.

J'ai plus de 150 sélections avec cette équipe.

Avec le Cercle des Nageurs de Marseille j'ai été 9 fois 1/2 champion de France (année covid on est champion sans le titre!).

Vainqueur également d'une coupe d'Europe (1er club français à remporter cette compétition).

En parallèle j'ai passé un double Master 2 : Droit des affaires avec une spécialité en droit du sport et un parcours grandes écoles à la Grenoble Ecole de Management.

Jeune retraité des bassins, j'ai rejoint KPMG en 2020 et j'occupe le poste d'auditeur financier (mais j'effectue également des missions de conseil et de prospection commerciale).

Je suis également représentant des athlètes au sein de la commission des athlètes de haut niveau au comité olympique et je suis membre de la Commission des relations avec dans ce même comité.

Je suis aussi membre de la Commission d'éthique du Cercle des Nageurs de Marseille.

Mon rôle le plus important est sans nul doute celui de papa de Mia depuis bientôt 3 ans !

Enfin, je suis membre du Blue Collective de Surfrider Foundation Europe - et j’accompagne ses actions en faveur de la protection des Océans.

Passer une heure d’interview avec Aloïse Retornaz, c’est sentir le vent dans les cheveux, les embruns dans les yeux, remplir ses poumons, et se laisser griser par la vitesse.

Quel chemin parcouru depuis ses débuts en optimist dans la rade de Brest, jusqu’à cette dernière médaille de bronze en 470 aux JO de Tokyo ! A chaque étape ses sensations, ses secrets de préparation, ses engagements, et toujours une motivation hors norme. Avec une telle détermination, on sent que les médailles n’ont pas fini de tomber, et que le milieu de la voile Pro doit se préparer à l’accueillir.

Bon vent Aloïse !

.......

Bonjour Aloïse, tu as gagné l’an passé la médaille de bronze de 470 aux JO de Tokyo, peux-tu nous présenter rapidement le parcours sportif qui t’a amené jusque là ?

J’ai commencé la voile à 6 ans, poussée avec mes sœurs par mon père qui était fan de voile. C’était la Toussaint, à Brest, il faut imaginer le froid, le vent et l’humidité ! Au début je n'aimais pas ça, et puis j’ai commencé les régates vers 8-9 ans et là ça m’a vraiment plu, j’ai accroché. J’ai découvert un esprit de compétition qui me correspondait vraiment, et ce sentiment de liberté d'être sur l’eau.

Vers la fin du collège, j’ai changé de support et une amie m’a proposé de faire équipage avec elle. Nous avons fait du 29er[1] et du 420[2] , le petit frère du 470[3] . Le circuit international était plus fourni en 420, donc nous sommes restées dessus. Nous avons eu de bons résultats qui m’ont encouragée à continuer. J’ai choisi de faire un sport-études, et après le bac j’ai continué dans la voile de haut niveau en parallèle de mes études. 

Faustine Merret est venue nous présenter la médaille d’or olympique, et je me suis dit que ce n’était pas si loin que ça, que c’était possible.

Au centre d'entraînement du pôle espoir de Brest, j’ai été au contact des athlètes qui se préparent pour les JO, et ça m’a mis des étoiles dans les yeux. Un jour, Faustine Merret (planche à voile) est venue nous présenter la médaille d’or olympique, et je me suis dit que ce n’était pas si loin que ça, que c’était possible. 

Je me suis accrochée, j’ai continué avec le 470, les régates internationales, et nous avons gagné les championnats du monde jeune avec ma coéquipière.

A la fin de mes études je me suis demandé “qu’est ce que je fais” ? Ça se passait super bien, ma priorité était d’aller aux JO, et j’ai continué le haut niveau, avec quand même un compromis pour me lancer aussi dans le monde professionnel en parallèle.

Pourquoi ?

Pour moi il y a trois raisons :

Ce double projet est important pour moi. C’est mon équilibre aujourd’hui (NdlLr Aloïse a 28 ans). On verra dans 3-4 ans ce que je ferai, aujourd’hui je suis libre, les opportunités sont ouvertes.

Lecointre Camille (FRA) and Retornaz Aloise (FRA) compete in Sailing Women's 470 during the Olympic Games Tokyo 2020, at Enoshima Yacht Harbour on July 28, 2021, in Tokyo, Japan, Photo Sailing Energy / KMSP || 000378_0014 SPORT 2021 OLYMPIC GAMES JEUX OLYMPIQUES VOILE

Qu’est-ce que tu ressens quand tu navigues ? Qu’est ce qui te motive ? 

C’est difficile à exprimer, quand je navigue j’ai une sensation d’être pleine. Oui, c’est un sentiment de plénitude, d’être bien dans mon élément, au contact de la nature. 

Après ce qui me motive, c’est la recherche de la performance, chercher à trouver le petit geste qui va te rendre efficace, trouver l’astuce qui va faire que tu vas être plus rapide que tes concurrents. 

Et ce que j’aime aussi en voile, c’est faire de la stratégie et de la tactique avec le vent, pour trouver les schémas de navigation, et jouer avec le parcours pour être les plus rapides. 

J’aime vraiment régater, et j’ai besoin de tout ensemble, de la vitesse optimisée, et de la route optimisée. Ce sont des sentiments qui s’entremêlent et se complètent. Ils ne sont pas dissociés.

Quand je navigue, j'ai un sentiment de plénitude, d'être bien dans mon élément, au contact de la nature

Le 470 est un sport d’équipage, tu es équipière et tu as maintenant un nouveau barreur Kevin Peponnet, avec qui tu te prépares pour les JO de Paris, que signifie faire équipage pour toi ? 

J’ai choisi de faire du bateau en équipage parce que les bateaux solitaires en olympisme ne me plaisaient pas en terme de sensations. Et puis j’ai trouvé que c’était hyper intéressant de naviguer en équipe, de partager les bons et les mauvais moments, et de réussir cette symbiose. A deux, la communication est permanente à bord. Quand on est en compétition, on se partage les tâches, l’un est concentré sur la vitesse, et l’autre sur l'itinéraire selon les allures, et on se fait confiance.

C’est la meilleure formation pour passer sur des bateaux plus gros où tout se joue équipage.

Il y aura un seul bateau sélectionné par pays pour les JO de Paris, qu’est-ce que ça change pour toi ? 

Pour les JO 2024 le circuit est renouvelé, car on passe d’un équipage masculin et un équipage féminin par pays, à un seul équipage mixte. Les meilleurs gars et les meilleures filles naviguent ensemble. En France, il va y avoir quatre/cinq bateaux dans le match pour la sélection Olympique. Pour la préparation nous nous focalisons sur les étrangers, car ce qui compte c’est la médaille finale, et ce sera eux qu’il faudra battre. Donc on garde cet objectif, et on va chercher des podiums internationaux. Nous aurons des championnats du Monde et d’Europe tous les ans jusqu’aux JO, avec des objectifs de résultats. En voile c’est ta performance qui déstabilise l’adversaire, car au bout d’un moment tu instaures un statut de favori. 

Les JO pour un athlète, c’est un projet complet, que l’on gère de A à Z. Bien sûr nous sommes accompagnés, mais nous sommes leaders et managers de notre projet, comme une petite entreprise. Avec notre coach, nous formons un trio très fort pour l’ensemble projet. 

Notre premier enjeu est de trouver du budget, car les projets olympiques coûtent cher. 

Tout d’abord en raison du matériel, indispensable pour jouer en “ligue 1”. 

Et puis il y a nos préparateurs : le préparateur physique, le préparateur mental, notre coach. et toute la cellule performance humaine, kiné, médecin, nutritionniste…

Le troisième sujet important est la R&D. Avec l’Ecole Nationale de Voile, nous avons des ingénieurs qui travaillent sur le développement du matériel, sur des modélisations de coques, de voiles, de dérives, ils mettent en place des centrales de navigation pour étudier le comportement du bateau à l’eau… 

Aujourd’hui nous avons besoin de 60 000 €/an jusqu’aux Jeux, donc 180 000 € en tout car jusqu’aux Jeux. Nous cherchons des sponsors ☺

Retornaz Aloise and Lecointre Camille (Bronze Medal in Sailing Women's 470) at Live from Trocadero during the Olympic Games Tokyo 2020, on August 07, 2021, in Paris, France, Photo Baptiste Paquot / KMSP || 000519_0017 SPORT 2021 OLYMPIC GAMES JEUX OLYMPIQUES PARIS 2024 VOILE

Comment vous préparez-vous, en terme d'entraînement, de pression ? 

Notre coach, Gildas Philippe est au centre de notre préparation, et c’est lui qui nous entraine, son rôle est essentiel. 

Nous travaillons tous les trois avec notre préparatrice mentale, car il en a besoin aussi. Il est là avec nous jusqu’à 5 mn avant le départ. Toutes les informations qu’il nous donne sont importantes. Nous débriefons le soir tous les quatre ensemble.

D’un point de vue physique, l'entraîneur voit quand il y a un déficit quelque part, et il m’en alerte. Mais aujourd’hui avec mon expérience je vois bien où sont mes faiblesses et mes forces, donc je travaille seule avec mon préparateur physique.

Ce qui est plus dur dans ce que l’on fait, c’est d’enchaîner les semaines de déplacement, de réguler sa fatigue et maintenir un équilibre, loin de chez soi. Il faut apprendre à bien se connaître, et identifier quand on dépasse la ligne rouge. La fatigue s’installe quand l’intensité physique trop dure trop longtemps.

Il faut apprendre à bien se connaître, et identifier quand on dépasse la ligne rouge

As-tu des techniques de pause, de récupération intermédiaire qui te permettent de tenir ? 

Je fais des mesures d’état de forme régulières avec des tests HRV[4]

Quand j’ai besoin de récupérer, j’augmente mes séances de streching, et bien sûr j’essaye de dormir plus. Si je n’y arrive pas, je fais de la méditation, j’aime ça.

Au bout d’un moment, il n’y a pas de secret pour récupérer il faut prendre des jours off, pendant lesquels on pourra faire des séances de récupération avec des exercices cardio à basse intensité[5]

As-tu des routines de performance en termes de préparation physique ou mentale ? Comment est-ce que tu te mets dans le flow ?

Oui, les jours de compétitions j’ai mes routines. Le matin je réveille mon corps tranquillement, je fais un test HRV sur du yoga, et 15 mn de réveil articulaire. Souvent après je prends un petit moment en autonomie avec de la musique pour me focaliser sur la journée. J’ai ma playlist personnelle, avec 2-3 musiques du moment, et des morceaux que j’écoute en boucle. Johnny Hallyday y est bien présent pour me donner la niaque ! Et nous avons souvent une musique qui sera celle de la régate – que l’on écoute alors pendant 3 semaines tous les matins.

Quelles sont les qualités essentielles que tu mets en œuvre pour gagner ? Qu’est-ce qui fait pour toi la victoire ? 

Je pense d’abord à la détermination, l’abnégation, la persévérance, parce qu’il faut vraiment être vouée à ce que tu fais, être entièrement plongée dedans, être prête un peu à tout pour tenir. 

Nous faisons beaucoup de sacrifices. Quand tu as des projets comme ça qui te prennent les tripes, tu mets beaucoup de choses de côté, et il faut être prêt à le faire. Si tu es tout le temps dans la rancœur, ou contre le temps, ça ne peut pas marcher. Il faut avoir confiance dans le fait que ça ne va pas être facile, mais que la passion te fera tenir.

Ce qui fait la différence, c’est l’esprit d’équipe. Être performante en équipe, c’est réussir à travailler en équipe. On voit beaucoup de marins qui ont du talent, mais qui n’arrivent pas à l’exprimer car les autres ne comptent pas pour eux. En entreprise c’est pareil, si tu ne respectes pas les gens avec qui tu travailles, derrière il y a un moment où ça ne suit plus.

Quand tu as des projets comme ça qui te prennent les tripes, tu mets beaucoup de choses de côté, et il faut être prêt à le faire.

Tu as une connexion très intime à l’Océan, et tu es devenue ambassadrice de la Surfrider Foundation, peux-tu nous dire ce que cette cause représente pour toi ?

Je suis rentrée chez Surfrider en janvier 2022. Cela faisait longtemps que je suivais ces sujets de protection de l’environnement et des océans, et j’ai franchi le cap avec l’idée de faire partie d’un collectif. Nous sommes au quotidien sur l’eau, et au fur et à mesure des années, nous voyons plus en plus de déchets dans la mer. Maintenant, il faut que l’on sauve ce qui nous reste. 

C’est assez dur comme position d’être sportif de haut niveau, car nous ne sommes pas forcément l’exemple à suivre en termes de bilan carbone, mais en contrepartie nous avons une image qui nous permet de toucher pas mal de monde. Beaucoup de gens nous suivent car ils ont besoin de rêver, de vibrer. Nous pouvons leur passer ce message qu’il est temps de faire des choses pour la planète, et c’est important de le faire.

Je fais également des interventions dans les écoles autour de mon sport et là encore, je peux sensibiliser les enfants aux enjeux de la planète. 

Le domaine sportif et en particulier celui de la voile est assez masculin, comment le fait d’être une femme a impacté ton parcours, as-tu rencontré des freins (personnels ou extérieurs) que tu as été amenée à lever ?

Il y a un an je t’aurais répondu « non pas du tout », car l’Olympisme a fait de gros efforts pour qu’il y ait cette équité homme-femme. Moi en 470, je ne me suis jamais sentie lésée. Il y avait une médaille pour les hommes et une pour les femmes, et aujourd’hui cette nouvelle mixité des équipages est hyper intéressante.

En revanche, quand tu descends sur les pontons, c’est une autre histoire. La course au large ou la voile professionnelle, en GC 32 ou sur la Coupe de l’América, les circuits sont plus en retard. Depuis des années, ces circuits sont presque entièrement masculins, et dominés par l’idée que comme c’est physique, il ne peut pas y avoir de femmes. Barrer un bateau ce n’est pas physique, mais comme sur les circuits de Formule 1 où il y a très peu de conducteurs femmes, tu ne trouves pas de barreur féminin en voile Pro dans le monde.

Lecointre Camille (FRA) with Retornaz Aloise (FRA) practice during Sailing Women's 470 training session ahead of the Olympic Games Tokyo 2020, at Enoshima Yacht Harbour on July 21, 2021, in Tokyo, Japan, Photo Sailing Energy / KMSP || 000282_0017 SPORT PRACTICE 2021 TRAINING OLYMPIC GAMES JEUX OLYMPIQUES

Cette semaine nous avons fait un test en équipage féminin sur GC 32. Et bien la conclusion est que l’on comprend pareil, que l’on a la même volonté, que l’on n’a pas la même force physique mais qu’il y a aujourd’hui des mécanismes qui simplifient la tache physique et le mettent à l’échelle d’une femme. Toutes les 7, nous avons très bien tourné, c’était génial.

J’ai de la chance d’être à un moment où les mentalités changent. A la Coupe de l’América 2024, il y aura un circuit féminin pour la première fois. Sur des plus petits bateaux - à l’échelle des jeunes - mais c’est déjà pas mal, et peut-être en 2028 nous serons sur les plus gros !

Les gars sont sur ces circuits depuis 15 - 20 ans, ils ont pris beaucoup d’avance, et maintenant c’est à nous de rattraper ce retard. Dans le haut niveau il faut trouver des gens performants, il n’est pas question de rogner là-dessus, mais il faut un début à tout, et c’est le temps de faire monter les femmes car nous avons le niveau.

il faut s’accrocher et croire en son potentiel, car plein de gens pensent aujourd’hui que « ce n’est pas possible ». Il y a une seule chose à faire, c’est leur montrer le contraire.

Est-ce que tu aurais un message à passer aux femmes qui aujourd’hui entreprennent, prennent des risques et des responsabilités, se mettent en visibilité ?

Je pense qu’il faut s’accrocher et croire en son potentiel, car plein de gens pensent aujourd’hui que « ce n’est pas possible ». Il y a une seule chose à faire, c’est leur montrer le contraire. Il faut se battre, et faire preuve de persévérance et de détermination pour ne pas baisser les bras, c’est ça qui fait la différence !

Propos recueillis par Thérèse Lemarchand

CEO Mainpaces

PALMARES :

2012 : Vice championne d'Europe Junior
2013 et 2014 : double championnes du monde junior de 470 avec Maëlenn Lemaître.
En 2015, et pour 2 ans, Aloïse fait équipe avec Cassandre Blandin, toujours en 470. 
2017 : Championne de France Elite. 3ème Isaf Sailing World Cup. 4ème Isaf Sailing World Cup Finale

En 2018, Aloïse s’associe avec Camille Lecointre pour partager l’aventure Olympique jusqu’à Tokyo. 
2018 : Vice-championne de France Elite. 4ème Sailing World Championship
2019 : MARIN DE L’ANNÉE. Championne de France Elite. Championne d’Europe. Vainqueure Test Event. Vainqueure Finale de la World Cup. 
2020 : Vainqueure de la World cup series 3ème Championnat nord américain
2021 : Médaille de bronze aux Jeux Olympiques Tokyo. Championne d’Europe. 4ème au Championnat du Monde

[1] Se lit « Twenty niner » - c’est un dériveur à coque planante de 4,40 m, et à spi asymétrique. Il se navigue à deux, un barreur et un équipier.

[2] Dériveur de 4,20 m qui se navigue à deux, un barreur et un équipier

[3] Dériveur de 4,70 m qui se navigue à deux, un barreur et un équipier. Le 470 est nettement plus toilé que le 420.

[4] HRV - Heart Rate Variability, ou VFC – Vérification de Fréquence Cardiaque : ces tests s’effectuent avec un cardio-fréquence mètre. Ils sont effectués au repos, en action, et l’analyse des différences de fréquence cardiaque dans ces différentes situation permet d’identifier la fatigue / le niveau d’énergie du sportif (via la capacité du corps à s’adapter à la sollicitation).

[5] Les exercices cardiovasculaire de faible intensité sont des exercices effectués en dessous du seuil anaérobie, à 60-80% de votre fréquence cardiaque cible ou maximale.

Dans cette interview, Olivier Cantet nous partage les moments de décision qui ont fait sa carrière, ses engagements sportifs et sociétaux, sa vision de la parité, du leadership, ses attentes vis-à-vis de ses collaborateurs. On y parle d’équilibre, de voyage, de mouvement, de réalisation …

Merci Olivier de nous associer si sincèrement le temps d’une lecture à ces différentes dimensions qui te composent, et d’offrir ainsi à chacun de la matière bien vivante, sur les sujets essentiels de conscience et de ressourcement des dirigeants.

.....

Bonjour Olivier, tu as un très beau parcours professionnel dans l’industrie du sport, peux-tu nous parler de tes pivots clés ? 

J’ai évolué dans des univers assez différents. Chaque étape a été une confrontation à une réalité nouvelle, que ce soit en termes d’industrie, de culture, ou de passion. C’est ce goût de la découverte et de la surprise qui m’a poussé à chaque fois à bouger, et cette aspiration d’un équilibre à retrouver après une première phase de déséquilibre.  

Tu souhaitais retrouver de nouveaux challenges ? 

Je ne suis pas sûr que ce soit voulu, on peut aussi retrouver les challenges dans les activités que l’on pratique en dehors de notre environnement professionnel.

Ce que j’aime, c’est la prise de risque dans la continuité. Ce besoin de remises en cause qui génèrent du stress et du risque, mais qui font le sel de ce que tu vis au quotidien.

Tu as pris récemment la présidence de Moustache Bikes, qu’est ce qui t’a attiré dans cette entreprise ? 

Le fil conducteur de mon parcours sont des marques avec un contenu, une âme incroyable, et une forte cohérence. J’ai retrouvé ça chez Moustache Bikes, avec en plus la découverte d’une région différente, j’avais fait toutes les gares sauf la gare de l’Est ! (sourire)

Plus sérieusement Moustache est une entreprise 100% française. J’avais envie de construire pas loin de chez moi, et dans une entreprise qui fait partie de la solution, en termes de valeurs et de sens. J’aurais eu du mal à repartir sur une activité où tu te dis quand tu doubles les ventes, "est-ce que c’est raisonnable ou pas ?"

C’est une entreprise où l’énergie et la passion s’alignent avec les intérêts des salariés, les intérêts des clients, le bien commun et celui de l’actionnaire. C’est assez rare encore aujourd'hui.

Et dernier élément : la dynamique de transmission. J’ai un rôle différent aujourd’hui dans cette boîte de celui que j’aurais pu avoir il y a quelques années. Je suis dans une posture de transmission avec des jeunes trentenaires qui ont de l’énergie, de la passion de l’envie, et à qui j’amène du recul et beaucoup d’expérience. Je continue à aller au front et être en premier de cordée car c’est nécessaire, mais j’ai aussi l’envie et le plaisir de voir les autres prendre le lead, faire, et être en confiance.

Pour beaucoup de fondateurs la question d’une prise de recul par rapport à la société que l’on a fondée se pose à un moment donné, comment se construit ce nouvel équilibre avec les dirigeants fondateurs ?

Je crois que cela se fait sur une vision commune, qui passe par un profond attachement, une véritable estime, et un très grand respect de ce que les fondateurs ont fait de l’entreprise.

Ils ont réalisé des choses incroyables que d’autres n’ont pas fait, il faut savoir reconnaître le côté extra-ordinaire de ce qui a été réalisé en si peu de temps.

Si on leur explique la vie, cela ne marche pas. On ne peut pas être sur un égo surdimensionné. Dans toutes les belles marques, les fondateurs restent emblématiques et inspirants, même quand ils prennent du recul. Quel que soit ce que tu apportes, ce ne sera jamais le moment magique de la première boîte et des premières heures, l'étincelle qui a amené la vie. Il faut accepter que cette étincelle ne t’appartienne pas.

Après il faut être pleinement dans son rôle d’accompagner la croissance, d’aller dans des choses nouvelles, et ne pas rester béat devant ce qu’on fait les fondateurs. C’est un juste équilibre de personnalités à trouver. Tu dois considérer toujours ce premier départ comme un moment essentiel de ce que tu vas faire plus tard, et en même temps le Fondateur a besoin d’avoir du répondant, de la différence, il ne recherche pas un acquiescement permanent. C’est aussi un équilibre à trouver entre la culture et à la mission de la boîte, c’est assez subtil.

J’ai tendance à penser que la génération actuelle est beaucoup plus câblée réseaux que nous ne l’étions. Elle a une soif qui est très personnelle au départ, mais l’écosystème est beaucoup plus collectif. Ils grandissent dans un monde plus connecté digitalement et personnellement, et cela leur donne la capacité à penser écosystème, à penser large, ils sont très loins du modèle du leader - one man show qui réalise tout.

Tu as récemment lancé le Blue Collective, pour développer la notoriété et les ressources de Surfrider Foundation Europe, peux-tu nous en parler ?

Il y a toujours un équilibre à trouver entre l'engagement personnel et l'engagement professionnel. Tu ne peux pas systématiquement faire de ta boite le véhicule de ton engagement personnel, d'autant plus si ce n’est pas la tienne. Tu peux influer, créer du sens, mais à un moment donné tu es dans des contraintes qui sont liées à un exercice, avec des actionnaires, une gouvernance, tes choix personnels influent mais ne peuvent pas s'exprimer totalement.

Je trouve important d’avoir un endroit où les engagements personnels peuvent être plus forts, et de ne pas tout mélanger.

Je travaille avec Surfrider depuis longtemps, et à un moment donné j’ai eu envie de faire plus, de lever ces limites, et j’ai pris un engagement plus personnel en créant le Blue Collective. Différentes dimensions s’expriment en nous, et je crois que c’est un point commun de tous ceux qui sont dans le Collectif. Ici, ils ont eu envie d’aller plus loin dans la protection de l’océan.

L’autre élément, c’est ce côté positif, joyeux, simple, nature, qui correspond vraiment au surf, et qui caractérise la Surfrider Foundation. Beaucoup de gens, de dirigeants de start-ups, de la tech, de la finance se retrouvent assez vite dans des ambiances très codifiées, très artificielles. Pouvoir entraîner toutes ces personnalités dans une démarche plus directe et plus simple répond à une attente forte, et c’est ce que Surfrider propose. C’est un moment d'engagement qui te sort de ton quotidien sans l'assombrir, au contraire en lui amenant un certain soleil, une vague, la puissance de la nature qui te nourrit, et t’amène à aller un peu plus loin dans ton engagement. L’idée de collectif est aussi en soi un élément d’énergie, cela aide à déconnecter de contraintes et de codes professionnels, pour aller plus loin dans les convictions que chacun peut avoir, mais qui souvent ne trouvent pas leur réalisation.

"Le voyage et les voyageurs sont plus importants que la destination"

Après on verra collectivement ce que l'on réalise tous ensemble ! Le voyage et les voyageurs sont plus importants que la destination, et si les ingrédients sont réunis, cela ira où ces énergies et ces personnalités vont nous emmener.

Je le vois un peu dans le même esprit que l’évolution des startups pendant leur phase d’amorçage et de croissance. Les pitchs, les BP sont très cadrés. Mais en fait ce sont les personnalités et la communauté de sens et de motivation qui font qu’on arrive à quelque chose qui réussit, mais qu'on n’avait pas forcément imaginé au départ.

Au sein du Blue Collective tu es très attentif à la parité, pourquoi ?

La parité c’est quand même beaucoup plus sympa 🙂 En entreprise en général, mais quand j’évoque le Blue Collective, il y a en plus dans le rapport à l’eau, à l’océan, un côté sensoriel qui ne peut se jouer qu’avec une vraie mixité d’êtres et de pensées. 

Je trouve aussi que c’est beaucoup plus apaisant quand il y a des dynamiques qui rassemblent les femmes et les hommes, que dans une démarche qui a tendance à dériver sur des registres qui deviennent ensuite des caricatures.

Je suis aussi poussé par une envie de découverte de personnalités féminines qui arrivent à émerger et pour lesquelles cela n’a pas toujours été facile. Il y a de belles surprises dans vos parcours que l’on ne retrouve pas du côté des hommes. En général nous avons eu une évolution professionnelle plus codifiée, plus habituelle. Ces parcours atypiques participent aussi à la diversité du groupe.

Ce qui se passe dans un groupe n’a rien à voir quand il y a un équilibre.

Tout cela, c’est l’envie avant le devoir. Derrière, il y a  aussi un devoir d’inclusion. Dans ma génération, nous sommes passés à côté sans nous en rendre compte. Quand on discute avec des amis, femmes et hommes, on réalise que certaines de nos réactions, de nos habitudes n’étaient pas respectueuses des femmes sans que l’on en ait conscience, ce qui est encore plus angoissant. Si on ne casse pas cela volontairement, on reste dans un état d'acceptation où la situation est satisfaisante par rapport à des codes culturels établis. Mais quand on prend un peu de recul, on n’y est pas. C’est très perturbant, c’est très récent, et généralisé, et donc aussi sur ce sujet là de la parité il faut avoir un degré d’activisme.

On voit que le sport en plein air, et en particulier la montagne, te passionnent, qu’est ce que cela représente pour toi ?

Le sport m’a construit, ça m’a modelé, ça m'a donné de la confiance, ça m'a permis d’évacuer un certain nombre de choses, de revenir sur terre, de développer et de garder des amitiés. Tu peux te faire des amis à 20 ans que tu perds car nos vies divergent, mais ceux avec lesquels j’ai fait de la haute montagne et des courses engagées restent. Les expériences se transforment en souvenirs forts qui créent des liens durables. Ce sont les liens que tu crées quand il y a peu d’artifice, en bateau, en montagne, en falaise, au milieu du désert, dans une forme de dépouillement et de sobriété qui fait que tu t’en souviens.

Dans ces moments, tu es vraiment toi, et cette connaissance tu peux l’entretenir, elle t’accompagne. Les pratiques de nature évoluent et changent avec l'âge, mais se font toujours avec autant de plaisir.

Comment ces pratiques sportives, parfois extrêmes, jouent dans ta performance professionnelle ?

Ma première réflexion est plus liée à la haute montagne. C’est la notion de relativité : de quoi parle-t-on, quel est l’enjeu - quelqu’un va mourir ? Non. Donc a priori il n’y a pas de drame.

Le dimanche, tu es sur une paroi, la nuit tombe, il faut que tu rentres, il te reste un paquet de rappels à faire et des glaciers à traverser, tu es dans des enjeux graves.

Le lundi matin, tu arrives au boulot, accueilli par un “énorme problème”, un mouvement de panique. Ton expérience de la veille te permet de garder la tête froide, de te dire "ça va, ça devrait bien se passer".

La montagne me permet de déconnecter du petit jeu à se faire peur que l’on aime bien jouer parfois, et qui finalement a peu d’importance au regard de ce qui peut arriver de vraiment grave dans la vie, et du rythme auquel la nature évolue. La nature vit au rythme des saisons, elle ne change pas toutes les minutes ou toutes les heures, c’est un ressourcement apaisant. Le rythme de la nature permet de se remettre en phase sur un temps plus long.

Il y a aussi le sujet de la déconnection. Dans des activités comme le surf ou l'escalade, l'équilibre t’impose d’être pleinement dans le moment. Je décompresse beaucoup plus quand je vais grimper ou surfer, que si je vais courir une heure ou faire du vélo deux heures, car mon corps me demande d’être pleinement présent avec lui dans la tête, et donc j’évacue immédiatement tout le reste.

"L’équilibre permet de remettre sa tête sur son corps, dans le moment présent"

Le yoga participe également à cela. Dès que tu es en équilibre, il faut que tu sois dedans. L’équilibre permet de remettre sa tête sur son corps dans le moment présent, sinon tu tombes. Donc tu débranches rapidement, et globalement, tu dors mieux.

Chaque activité physique a ses avantages propres. J’ai rencontré des passionnés de boxe qui à travers ce sport ouvraient une façon de se connecter aux autres beaucoup plus large. Dans tous les cas, le côté manuel est important. Il peut aussi se retrouver dans d’autres pratiques comme faire de la mécanique. Tu es obligé de switcher, et de laisser le corps agir. 

Cette alternance joue aussi sur un temps plus long, entre des moments de ta vie ou tu es très pris par ton boulot, très pris par ta famille, ou très pris par ta passion. Tout ne peut pas être au top tout le temps. Mais si tu lâches complètement l’un de ces piliers, quand celui sur lequel tu te trouves baisse, c’est le risque de dégringolade. Mes trois piliers n’ont jamais été tous parfaitement au top, mais il y a toujours eu un maintien de cet équilibre sur trois appuis, qui sur 10 ans vont fluctuer, mais vont toujours te soutenir.

A travers ces différents sujets, on sent ta capacité, et le plaisir que tu as, à entraîner, à fédérer, à développer. Qu’est ce que pour toi le leadership ?

Pour moi, le leadership c’est la confiance que les autres mettent en toi. Le fait que l’été dernier je dis à Jean-Claude, un pote que je connais depuis toujours, “On va faire l’intégrale du Peuterey”, et qu’il me dise “Ok, j’y vais. C’est toi. On va le faire ce truc. ”

"Pour moi, le leadership, c’est la confiance que les autres mettent en toi"

Ca, c’est vrai aussi en entreprise. A un moment donné les gens y vont, avec confiance. Par contrainte ça ne marche pas, par condition, ça ne marche pas non plus.

Le leadership c’est quand tu as confiance dans l’endroit où l’autre va t'emmener, et comment ça va se passer. Quand il y a beaucoup de gens qui avancent en confiance, il se passe des choses incroyables. C’est cette confiance que les gens te donnent qui font ton leadership. Chacun le fait de façon différente, mais au final ce qui est créé, c’est de la confiance.

Quelles sont les qualités que tu attends de tes collaborateurs ?

Ce que j’attends, c’est qu’ils avancent sur leur chemin. Chacun à sa façon, différente, sur un chemin qui correspond à son style, son épanouissement. Mais que je voie qu’ils avancent.

J’attends un ajustement dans le mouvement. J’ai du mal à accepter l'immobilisme, mais je n’ai pas de souci à accepter la différence. Cela pose des défis, de confort, de réassurance, de temps, de niveaux d’énergie différents. Mais quand la personne est en mouvement dans ses propres aspirations, on peut trouver le bon ajustement entre son envie, sa capacité, et ce qu’on lui demande.

Une fois que cet ajustement est trouvé, la personne peut avancer sur son propre chemin.

La diversité est essentielle pour moi. Il y a un côté un peu bizarre parfois de retours de certaines start-ups à des approches mono-maniaques, unidimensionnelles, monobloc. Je n’y crois pas. Tu ne peux pas attendre cela des gens qui travaillent avec toi.

Tout cela prend du temps à comprendre et à ajuster, et tu ne trouves pas toujours l’équilibre entre tes attentes et le chemin de la personne qui sont parfois divergents. Il faut être lucide et savoir se séparer, mais c'est une manière qui est enrichissante pour tous quand la personne a trouvé son propre chemin.

Quand tu arrives à mêler tous ces chemins, à partir du moment où tu pars sur l’idée que ce sont des chemins personnels, et que tu arrives à entrelacer des chemins personnels pour faire avancer la boite, tu fais un bon job. Il faut parfois 40 joueurs pour faire une équipe - et pas que des avant-centre.

Un bon moyen de comprendre tes collaborateurs est de regarder ce qu’ils font dans leur temps libre, quand ils sont hors contrainte. Le meilleur DRH que j’ai connu, Frédéric, chez Jules, avait 15 copains à déjeuner le samedi midi, et toute sa famille le dimanche. Il passait son temps à cuisiner pour les autres. Le collectif correspondait à son métier, et à ce qu’il était pleinement.

Ces moments de temps libre sont ceux où chacun fait vraiment ce qu’il veut faire, ce sont des révélateurs intéressants. Il y a parfois des surprises sur les temps libres, qui informent sur cette volonté personnelle de se réaliser.

En fait, c’est ça ce que j’attends de mes collaborateurs : qu’ils aient envie de se donner la chance de se réaliser, ce qui implique parfois de sortir de sa zone de confort, de se mettre en difficulté, et toujours d’être en mouvement.

Propos recueillis par Thérèse Lemarchand

CEO Mainpaces

Biographie :

Olivier Cantet est depuis le début de l’année 2022 Président de Moustache Bikes.

Fondateur de Private Sport Shop dont il reste Président non exécutif, Olivier est ancien CEO de Rip Curl, Oakley, Millet et Lafuma.

Olivier pratique les sports de glisse et de montagne, et partage son temps entre

Montpellier, Annecy et Paris.

Il a soutenu à plusieurs reprises Surfrider Foundation Europe avec les différentes entreprises qu’il a dirigées. Engagé pour l’environnement, il préside aujourd'hui le Blue Collective et en est membre fondateur.

« Suis ton moteur profond, chaque brique que tu poses a un sens, même s'il ne se dévoilera peut-être que plus tard.»

Fille sportive, je suis issue d’une famille nombreuse et d’origine bretonne. J’aime la glisse, la mer est mon élément, et j’ai gardé de mes années de gymnaste le plaisir du mouvement et l’esprit de compétition. Ma scolarité pourrait être qualifiée d’exemplaire, ouvrant un chemin tout tracé. C’est sur cette voie que je commence ma carrière chez EDF à l’ingénierie nucléaire. Mais la vie réserve des surprises !

Je suis enceinte de mon premier enfant quand mon mari a l’opportunité professionnelle de partir à Singapour pour quelques années. En 1998, le projet du nouveau réacteur EPR sur lequel je travaille est encore loin du déploiement et Singapour est exotique, pleine de promesses et facile à vivre avec un nouveau-né. Nous sautons sur l’occasion de partir. 

Au premier café d’accueil auquel je me rends, un peu solitaire, je prends dans la figure la représentation de « femme d’expat », et je me sens beaucoup trop jeune pour ça. Je prends donc mon CV d’ingénieure sous le bras et, poussée par un désir esthétique et l’envie profonde de me rapprocher de la création, je fais le tour des galeries d’art contemporain de Singapour pour me remettre au travail. 

Opera Gallery était la plus grosse galerie d’art contemporain de Singapour et Gilles Dyan, son directeur, m’écoute me présenter en souriant et me lance : « OK, reste là quelques heures, observe et essaye de vendre quelque chose ». 

Gilles me fait confiance. Je resterai chez Opera Gallery pendant tout notre séjour à Singapour, et c’est là, au contact des œuvres et des collectionneurs que j’apprends à écouter, ressentir, et vendre. Une ouverture quotidienne sur le monde, et un sentiment de plénitude renforcé par mon kilomètre de natation rituel, seule dans le bassin de la résidence à l’aube. Mais c’est déjà l’heure de rentrer en France. 

J’accueille la naissance de mon deuxième enfant, ma fille, et prends un congé pour création d’entreprise d’EDF. Je continue en free-lance dans le domaine de l’art contemporain, à l’époque où le web explose (2002). Avec Enviedart.com et Arcturus je pose un premier pied dans le web et le monde de l’entrepreneuriat, et me nourris de la création contemporaine. 

Jusqu’à ce que mon congé arrive à son terme et que les choses se précipitent. J’ai la joie d’accueillir mon troisième enfant, et ne trouve pas de projet suffisamment concret et ambitieux pour prendre la décision de quitter définitivement le Groupe. Brouillard. Je retourne chez EDF, à la Direction Commerciale, au moment clé de l’ouverture du marché de l’électricité. Je découvre un nouveau terrain de jeu, celui des contrats stratégiques, de la négociation, de la représentation, et de la vente complexe. J’y suis légitime et appréciée, et mon avenir professionnel est assuré. Yoga, méditation ou jogging sont redevenus mes routines quotidiennes d’incarnation. Me voilà revenue sur les rails, mais lesquels ?

Ma hiérarchie m’intègre dans le programme « hauts potentiels », dans lequel je bénéficie d’un coaching. Cet accompagnement devait préciser mes ambitions au sein du Groupe, mais paradoxalement il fera émerger le désir de le quitter. Cette fois je démissionne. 

Mon envie d’entreprendre dans le domaine de la culture, où je continuais pendant ces six ans chez EDF à entretenir des rencontres et des idées, revenait au premier plan. Le projet de fusionner l’émergence du crowdfunding et le mécénat s’impose sous la forme de Commeon, une plateforme de mécénat participatif, pour promouvoir l’implication citoyenne dans ce secteur essentiel à notre humanité.

Sa création et son développement sont une vraie aventure entrepreneuriale et, sans filet, je suis pleinement à ma place. J’apprends au contact d’entrepreneurs à me défaire des règles de grandes entreprises, et je deviens autonome. Je me révèle encore plus efficace, plus inventive, plus audacieuse. Je me mets au surf à la même période et c’est une autre révélation. Été comme hiver, il prend le pas sur nos séjours en montagne. Persévérance, humilité, et plaisir intense de ressentir cette alliance avec la puissance de la vague s’y combinent. J’adore cela et ce n’est pas anodin. Car je vis également comme beaucoup de mes pairs, des montagnes russes émotionnelles. En 2019, je cède l’entreprise à un Groupe de communication et marketing pour le secteur caritatif, et j’accompagne pendant plus d'un an cette fusion, jusqu’au tout début de cette fameuse période de confinements successifs de 2020, hasard du calendrier. 

Soudain j’ai du temps. Le temps de me ressourcer, et de chercher l’inspiration auprès d’entrepreneurs qui partagent la même envie d’impacter positivement le monde. 

Des connexions commencent à se faire dans ma tête, et des idées maîtresses autour des enjeux de développement en émergent. Des principes fondateurs. En résonance avec les changements et l’accélération du monde, sont indispensables dans nos métiers : notre capacité à appréhender la complexité du monde et de ses interdépendances, à apprendre et à progresser, à penser nos organisations en mouvement, à développer la qualité de nos interactions, à renforcer notre capacité de décision et la justesse de nos choix. Une entreprise est toujours à l'image de ses dirigeants. Il faut que l'on s'équipe pour accompagner la vie sur Terre. Comment mon expérience peut-elle servir à accompagner ces changements ? 

C’est au réveil que l’idée de Mainpaces est née un matin d’avril 2021. L’idée que le corps, comme pour les sportifs de haut niveau, doit faire partie de l’accompagnement des dirigeantes et des dirigeants.

Nos ressources sont immenses, et les mobiliser s’apprend.

Tout s’accélère quand on a rendez-vous avec soi. Je clarifie la vision, je rassemble un conseil scientifique, un collectif d’experts, et en janvier 2022 Mainpaces ouvre ses services. Dès le premier mois les retours de nos clients et de nos experts m’indiquent que cette vision était la bonne. 

J’ai mis de longues années à comprendre des choses simples. Chaque parcours est unique, et chacune des briques qui le compose a un sens, même s'il ne se dévoile parfois que plus tard. Ecouter ses intuitions profondes, répondre à cette nécessité intérieure, s'engager, explorer ses limites, permettent de tracer son propre chemin. Voilà ce qu’aujourd’hui, je souhaite pleinement à toutes les personnes que Mainpaces accompagne : accomplir pleinement ce qu'elles ont envie d'accomplir, qui les pousse profondément à agir, avec l'énergie de la cohérence et de la vie, dans la joie.

Thérèse Lemarchand

CEO, Mainpaces

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