Pourquoi neurosciences et conscience sont-elles nos alliées au quotidien ?

Samedi 29 janvier 2022 s’est déroulé à Nice le colloque de l’OMCNC* sur la conscience, intitulé “La conscience dans tous ses états”.  Médecins, scientifiques, philosophes, experts, ont partagé ce qu’était la conscience dans leur discipline, ou ce qui permettait de s’en approcher. Ces éléments de pédagogie et de réflexion nous aident à comprendre comment, en tant que dirigeant, nous pouvons développer notre niveau de conscience, celui de notre entreprise, sur quoi cela repose et à quoi cela sert individuellement et collectivement.

L’écoute de ces interventions passionnantes, et dont la lecture mérite d’être approfondie, nous amène à plusieurs conclusions :

  • développer notre sens de l’éveil et notre engagement émotionnel permet de développer un niveau de conscience plus aiguë
  • nous penser comme des êtres physiologiquement déterminés porte un risque important de devenir des objets modelables et économiques
  • nos cerveaux sont à considérer plutôt comme des partenaires biologiques de l’activité mentale, et non comme leurs déterminants biologiques. Ce sont des bornes physiologiques, et parfois pathologiques, qui peuvent être repoussées par des entraînements mentaux appropriés
  • notre activité mentale rétroagit sur ce que nous sommes. Elle peut donc s’orienter à travers la culture et l’éducation.

Notre responsabilité en tant que dirigeants est de guider le développement de nos entreprises, en ayant conscience de l’impact sur le monde de leurs activités, de leurs produits, de leurs services. Il est ainsi extrêmement utile de comprendre les ressorts de la conscience, et rassurant de savoir qu’elle peut se développer à tous les niveaux individuels et collectifs. Cela engage nos êtres entiers, en tant que corps biologiques et personnes pensantes, dans une interaction permanente. Le développement de notre conscience porte en lui-même des solutions aux enjeux de l’époque.

Bonne lecture !

Cet article peut-être complété de la lecture de l'article "Muscler sa conscience, est-ce possible ? " Publié dans la newsletter Leading #18 en novembre 2023. Il détaille en particulier comment se développe la conscience de soi, et les 5 facettes qui constitue un soi intégré.

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Ce samedi 29 janvier 2022 s’est déroulé à Nice le colloque de l’OMCNC* sur la conscience, intitulé “La conscience dans tous ses états”.  Médecins, scientifiques, philosophes, experts, ont partagé ce qu’était la conscience dans leur discipline, ou ce qui permettait de s’en approcher.  Les notions d’anatomie de la conscience, conscience en neurosciences, états modifiés de conscience, conscience en philosophie, conscience individuelle et conscience collective ont été abordées. 

Je n’aurai pas ici la prétention de rapporter de façon exhaustive ce qui a été dit dans cette journée extrêmement riche en Recherche, en Histoire, en partage d’expériences, mais je souhaitais rapporter dans cet article des éléments de compréhension de ce qu’est la conscience, et qui nous importent particulièrement au sein de Mainpaces. 

Ces éléments de pédagogie et de réflexion nous aident à comprendre comment, en tant que dirigeant, nous pouvons développer notre niveau de conscience, celui de notre entreprise, sur quoi cela repose et à quoi cela sert individuellement et collectivement.

La conscience : approche anatomique et neuroscientifique

Anatomie de la conscience

Nous avons été accueillis par Pr Patrick Baqué, Doyen de la Faculté de Médecine de Nice, qui nous a exposé, au tableau noir, l’anatomie de la conscience.

La conscience est anatomiquement une interaction permanente entre les informations sensitivo-sensorielles qui remontent jusqu’au cortex, et la mémoire. Si l’un des 2 éléments est perturbé, la conscience s’en trouve donc altérée. C’est typiquement le cas lors de la maladie d'Alzheimer, où l’altération de la mémoire induit progressivement une altération de la conscience

Le niveau de conscience dépend de la rapidité avec laquelle ces informations perçues se propagent. 

Elles rencontrent 2 sortes de “péages” au sein du cerveau :

1. le filtre du thalamus et celui de la formation réticulée : ils déterminent la facilité des voies sensitivo-sensorielles d’atteindre le cortex. Ce filtre représente notre niveau d’éveil

2. l'action du système limbique - gyrus péri-calleux, circuit de Papez sur le thalamus et la formation réticulée. Le limbique qui représente notre niveau émotionnel, d’affectivité, influe sur la capacité du thalamus et de la formation réticulée à laisser passer les informations, et donc sur notre niveau d'éveil

A titre d’exemple, Pr Patrick Baqué explique que c’est pour cela que dans le sport les grands records ne sont battus que dans les grandes occasions, que c’est en finale des JO que les records de 100 m sont dépassés, en finale de la coupe du monde que Zidane pose ses plus beaux buts, car le niveau émotionnel est alors là à son maximum.

Conscience en neurosciences

Le Professeur Michel Bitbol, philosophe des sciences et directeur de recherche au CNRS, aux Archives Husserl, à l'École normale supérieure (Paris) introduit au cours de son intervention la théorie de l'espace de travail neuronal global - de Bernard Baas, Stanislas Dehaene, Jean-Pierre Changeux.

Cet espace, identifié dans le cortex, rassemble de grands réseaux neuronaux cohérents, dans lesquels sont coordonnés les activités neuro- électriques de réseaux locaux correspondant à plusieurs modules spécialisés.

“L’espace de travail neuronal global implique que seuls accèdent à la conscience, ceux des processus mentaux qui sont parvenus, par-delà l’activité neuro-électrique des réseaux spécifiques, à recruter un vaste réseau de neurones, dont l’activité est synchronisée à grande échelle.

Dans ce contexte, la conscience peut être représentée comme une scène de théâtre centrale, où des acteurs mentaux d’abord invisibles se rendent visibles - conscients - sous l’éclairage de projecteurs réflexifs.

La conscience n’étant pas un flux continu, ces scènes se forment et se fragmentent, en des “moments cycliquement émergent puis évanouissant de conscience unifiée”.

En cela, elle rappelle la notion de “présent effectif” au sens de William James (fin 19è) 

Le Professeur Michel Bitbol souligne que la conscience est ce qui peut être verbalisé. Cette approche neuroscientifique explique la connexion entre aires sensorielles et aires de verbalisation, mais elle n’explique pas pourquoi cette connexion s’accompagne en plus “d’une expérience vécue synthétique”.

Pourquoi la conscience ?

Il existe un risque fondamental à considérer la conscience comme un sous-produit des phénomènes neurobiologiques.

Le fait que conscience et phénomènes mentaux semblent être un sous-produit des phénomènes neurobiologiques, est presque un acquis dans notre culture contemporaine.

Cette conception oublie le pouvoir transformateur des relations interpersonnelles, des idéaux partagés, des quêtes de sens. Elle est par ailleurs autoréalisatrice. 

Dans une conception où l’Homme serait un objet pour lui-même, l'être humain offre une moindre résistances aux tentatives d’être modelé par l’extérieur. Il devient un agent économique, un matériau améliorable qui concentre tous les désirs.

Or “lorsqu’elle prétend porter sur nous même, une vérité ne vaut pas dans l’absolu, ce n’est pas une abstraction détachée, car nous sommes le lieu même où elle est mise à l’épreuve”.

“ Sommes nous vraiment pré-déterminés par nos constitutions biologiques - ou sommes-nous des êtres capables de s’engendrer eux-même par leur sens que nous donnons à notre présence au monde? ”

Ou en d’autres mots, nos projets de vie sont-ils au service de notre constitution ou vice-versa ?

Cette possibilité d’absence de rapport de causalité, d’un rapport à double face d’un seul et même processus, a été par exemple posé par Spinoza (1632-1677), avec sa substance unique dotée de deux attributs, la pensée vécue - l’étendue corporelle.

Peut-on en dire processus = cause ?

Le raccourci processus neuronaux / substrat cérébral = cause de la conscience / de l’activité mentale consciente est peu crédible.

A titre d'exemple, il est possible d’induire des altérations neurobiologiques en agissant par des moyens mentaux, de la psychothérapie, par des pratiques du yoga ou de la méditation. 

Leur empreinte neuro-anatomique se traduit par un épaississement du cortex cérébral, des conséquences biologiques et épigénétiques sur l’immunité, ou la réparation chromosomique.

On constate donc que lorsque l’on pose un entraînement mental, il s’ensuit une série d’effets neuro-biologiques.

Ainsi les processus mentaux pourraient être la cause de processus cérébraux.

Il y a donc réversibilité et réciprocité du raisonnement. L’idée d’une causalité unidirectionnelle allant d’une base neurobiologique alléguée à des évènements mentaux conscients est sujette à caution.

Gérard Fromanger - Exposition 2016 au Centre Pompidou

La conscience sur un plan philosophique

Sur le plan philosophique, le Pr Michel Bitbol aborde le concept d’émergence.

Une propriété de niveau supérieur émerge d’un niveau inférieur quand elle est conditionnée par le niveau inférieur sans pour autant être déduite de lui

Le concept d’émergence présente un aspect positif et d’un aspect négatif :

  • positif : être conditionné par le niveau inférieur
  • négatif : ne pas pouvoir être déduite à priori de ce niveau inférieur

Les processus d’émergence sont donc découplés de leur base supposée, et obéissent à des lois propres, celles de l’émergence.

Que la conscience émerge d’un fonctionnement complexe des réseaux neuronaux, induit que les activités mentales ont une forme d’autonomie par rapport aux processus cérébraux particuliers. Elles fonctionnent en termes de raison et non de cause, d’intention et non de mécanismes.

Cela incite à penser nos cerveaux comme les partenaires biologiques de l’activité mentale, et non comme leurs déterminants biologiques. Ce sont des bornes physiologiques, et parfois pathologiques, qui peuvent être repoussées par des entraînements mentaux appropriés.

La neuroplasticité est la “possibilité qu’a une activité mentale de modeler son propre support cérébral, selon ses propres lois, qui sont aussi ses propres fins”.

Le Pr Bitbol conclut sur le caractère hautement auto-référentiel du problème de la conscience.

“La conscience est l’oeil du cyclone de nos vies”

Pr. Michel Bitbol

Chaque chose que nous pensons sur la conscience, nous transforme nous-même, rétroagit sur nos processus biologiques, notre cerveau.

Il pose sa croyance au libre arbitre. Croire que nous sommes libres nous invite à choisir en toute confiance. Croire que nous sommes déterminés nous déresponsabilise. “Tout être qui ne peut agir que sous l’idée de liberté est par cela même, d’un point de vue pratique, réellement libre” - Kant (1724-1804)

Entre ce que l’on pense être et ce que l’on est le lien est profond.

"Ce que nous pensons être rétroagit sur ce que nous sommes."

Pr. Michel Bitbol

L’activité mentale des être humains peut donc s’orienter à travers la culture et l’éducation, les cerveaux et les gènes fixant seulement les bornes biologiques. Il est possible d’agir pour ouvrir un meilleur avenir aux êtres humains par des moyens éducatifs, en tenant compte :

  • des limites génétiques
  • des cicatrices neurogénétiques de notre passé.

Il cite ainsi Viktor Frankl (1905 - 1997) qui pose la donation de sens comme notre unique protection contre des situations traumatisantes ; le manque de sens, le vide existentiel étant l’une des raisons des états névrotiques.

Le retour du sens pourrait aider à réparer les cicatrices biologiques qui entravent notre créativité face aux défis de notre époque.

Le Pr Bitbol conclut sur le fait que le choc d’un idéal recouvert ou d’un idéal retrouvé peut changer le sens de nos vies. C’est ce qu’il appelle le choc de sens.

Conclusions


L’écoute de ces interventions passionnantes, et dont la lecture mérite d’être approfondie, nous amène à plusieurs conclusions :

  • développer notre sens de l’éveil et notre engagement émotionnel permet de développer un niveau de conscience plus aiguë
  • nous penser comme des êtres physiologiquement déterminés porte un risque important de devenir des objets modelables et économiques
  • nos cerveaux sont à considérer plutôt comme des partenaires biologiques de l’activité mentale, et non comme leurs déterminants biologiques. Ce sont des bornes physiologiques, et parfois pathologiques, qui peuvent être repoussées par des entraînements mentaux appropriés
  • notre activité mentale rétroagit sur ce que nous sommes. Elle peut donc s’orienter à travers la culture et l’éducation.

Notre responsabilité en tant que dirigeants est de guider le développement de nos entreprises, en ayant conscience de l’impact sur le monde de leurs activités, de leurs produits, de leurs services. Il est ainsi extrêmement utile de comprendre les ressorts de la conscience, et rassurant de savoir qu’elle peut se développer à tous les niveaux individuels et collectifs. Cela engage nos êtres entiers, en tant que corps biologiques et personnes pensantes, dans une interaction permanente. Le développement de notre conscience porte en lui-même des solutions aux enjeux de l’époque.

Thérèse Lemarchand

CEO Mainpaces

👉 Pour aller plus loin : Lire l'article "Muscler sa conscience, est-ce possible ? " Publié dans la newsletter Leading #18 en novembre 2023. Il détaille en particulier comment se développe la conscience de soi, et les 5 facettes qui constitue un soi intégré.

*Observatoire des Médecines Complémentaires et Non Conventionnelles

Créé en janvier 2015 à Nice sous l’égide du Professeur Patrick Baqué, Doyen de la Faculté de Médecine de Nice, et du Dr Marie Juston-Baqué, l’Observatoire des Médecines Complémentaires et Non Conventionnelle (OMCNC) est une association à but non lucratif (loi de 1901) issue de la Faculté de Médecine. L’OMCNC vise à étudier scientifiquement ces pratiques thérapeutiques, valider ou non l’intérêt des thérapies non conventionnelles,  et constituer un réseau de praticiens compétents sur ces différentes méthodes, avec un cadre éthique associé.

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