Antoine Pérel : une aventure humaine jusqu'au podium des Jeux Paralympiques 2024

Antoine Pérel est para triathlète français. Une maladie génétique depuis l’âge de ses 9 ans affecte gravement sa vue. Passionné de foot, Antoine rêvait de devenir professionnel. Il s’engagera finalement en saut en longueur (Jeux de Pékin en 2008), puis dès 2016 en para triathlon. Ce sont 750 m de natation, 20 km de cyclisme, et 5 km de course à pied qu’Antoine parcourt en symbiose avec son guide Yohann Le Berre. Antoine Pérel vient de gagner la médaille de bronze aux Jeux de Paris 2024. 

Antoine et sa compagne sont parents de 2 enfants de 5 et 10 ans.

Cette interview a été réalisée le 9/09/2024 par Thérèse Lemarchand. 

Bonjour Antoine Pérel, vous venez de gagner une médaille de bronze au triathlon aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?

Nous avons vécu un moment extraordinaire, inoubliable. Pour tout dire j’ai très peu dormi, nous avons passé la nuit à faire la fête au Club France, après une cérémonie de clôture incroyable. Cette médaille était mon rêve, et je l’ai réalisée la semaine dernière. Je suis dans un état d’euphorie dont j’ai du mal à redescendre, ce qu’on a vécu était tellement fou et c’est passé tellement vite ! 

Pour autant, cela fait quelques heures que je suis rentré à la maison et j’en suis très content. C’est l’instant présent qui est le plus important. Le passé est derrière moi et le futur est à venir. C’est cet instant présent que je veux vivre.

Le temps de la construction : en athlétisme comme en entreprise c’est une aventure humaine qui se dessine

Comment en êtes-vous arrivé là ?

Je me suis tourné vers le para triathlon en 2016 après mon absence de sélection en saut en longueur pour les Jeux de Rio. J’avais besoin d’une nouvelle aventure. La médaille de bronze de Gwladys Lemoussu aux Jeux paralympiques d'été 2016, qui s’inscrivait pour la première fois le para triathlon à leur programme, m’a donné des ailes. J’ai eu envie de m’engager dans cette discipline et de vivre ce rêve-là.  

Cette médaille est le résultat de 3 ans de travail approfondi avec mon guide Yohann le Berre. Nous l’avons construit progressivement. Notre objectif la première année n’était pas forcément d’aller chercher une médaille aux Jeux mais d’apprendre à nous connaître.

Le para triathlon est une aventure humaine, nous voulions nous orienter vers des objectifs communs.

Nous nous sommes donc beaucoup vus cette première année pour nous ajuster. La deuxième année nous voulions concrétiser avec quelques résultats. Nous sommes allés chercher une médaille de bronze aux Championnats du monde en 2022. En 2023 nous avons poursuivi sur la même formule de préparation, qui nous a permis de décrocher ensemble une deuxième médaille mondiale et la médaille d’or aux Championnats d’Europe en format duathlon.

C’est alors que nous avons compris que nous étions potentiellement médaillables aux Jeux. Nous avons continué à travailler pour rester dans le top 9 mondial, puis à être focus pour aller chercher la plus belle des médailles. Nous l’avons décrochée ce 2 septembre 2024.

En para triathlon vous courez avec un guide sur les 3 épreuves. Comment avez-vous choisi votre guide Yohann le Berre ? Quelles sont les qualités essentielles que vous cherchez en lui ?

A Tokyo, mon guide avait décidé de mettre un terme à sa carrière. Tout en continuant à m'entraîner, j’ai eu l’occasion de voir plusieurs guides et de faire un stage avec Yohann. 

Notre duo a assez vite matché. Yohann est très généreux, très humain. C’est un très grand sportif valide, qui se nourrit également d’une carrière professionnelle très enrichissante. Yohann est enseignant dans un lycée professionnel de menuiserie, il est tourné vers les autres et y partage sa vocation. Il est très minutieux et professionnel dans ce qu’il fait et il a ainsi beaucoup d’expérience à transmettre.

Pour ma part, j’avais besoin d’une personne assez sereine, assez humaine, prête à me guider dans toutes les situations. Mon guide est avec moi pendant les compétitions bien sûr, mais c’est aussi un guide de vie sur les lieux de compétition. Il me décrit les contextes, les ambiances. Je les mets en perspective de ce que je ressens, de l’attention que je porte à d’autres détails… Nous avons besoin de très bien nous comprendre.

La synchronisation avec son associé est un processus qui se travaille

Comment développez vous cette puissance de synchronisation ? Comment se joue la partie plus individuelle de la préparation à la compétition, et la partie d'équipe ?

Yohann habite à Tours, j’habite dans le Nord, on se voit une fois par mois pour la synchronisation. J’ai besoin de Yohann, sans lui je ne peux pas pratiquer l'enchaînement du triathlon. Lui doit être très performant et concentré, pour me mettre à l’aise et faire en sorte que je sois à 100% de mes capacités dans mes trois sports.

Lorsque nous sommes chacun chez nous, nous nous entraînons indépendamment dans chacune de ces trois disciplines. Quand nous nous voyons, nous mettons en place la synchronisation. C’est tout un processus qui se travaille.

Yohann est beaucoup plus fort que moi en athlétisme. Je suis très admiratif de ses chronos et avide de ses conseils. Lui travaille sur mes allures, à mon allure, et ensemble on se rapproche d’une forme d’excellence qui fait la haute performance. C’est comme en entreprise, cela ne sert à rien d’aller très vite d’un côté si l’autre côté ne suit pas. Yohann voit que je suis performant, que je suis un rageux, que j’ai envie de me surpasser, d’aller chercher des médailles et d’atteindre les résultats que nous nous fixons ensemble. C’est ce qui guide notre duo.

Antoine Pérel, quels sont vos critères de synchronisation ? Portent-ils sur le souffle, sur le mouvement ?

Nous avons développé beaucoup de points de comparaison sur la foulée, sur le point d’impact au sol, sur le pied, sur le bruit… Ce sont beaucoup de petits codages qui font que l’on est synchronisé.

Notre point commun est qu’on ne lâche rien. Nous sommes toujours à faire en sorte d’aller chercher la perfection, notamment dans les transitions car c’est là qu’on perd le plus de temps dans ma catégorie et qu’il faut éviter des pénalités. Nous les répétons systématiquement jusqu’à ce qu’elles soient parfaitement réalisées.

Cette médaille est la concrétisation de tout ce travail, de toutes ces heures passées ensemble. Nous nous sommes entraînés plus de 20h par semaine pendant des mois et des années pour une heure de cours. C’était une heure intense, une heure parfaitement synchronisée, une heure à 100% de mes capacités. C’était mon rêve.

Entre vous retournant derrière vous et tout ce parcours, qu’avez-vous eu de plus difficile à dépasser ?

Le plus difficile dans mon métier est l’éloignement. J’adore m'entraîner, j’adore ce que je fais, mais quand je pars en stage ou en compétition j’ai aujourd’hui plus de mal à laisser mes enfants et ma compagne seuls à la maison. 

J’ai travaillé spécifiquement sur ce sujet avec le préparateur mental qui m’accompagne. Cela me fait énormément de bien. Nous mettons en place avec la famille tout ce qui est nécessaire en termes de logistique pour que la vie de famille se passe bien pendant mon absence, pour protéger ma compagne (qui travaille également) des contraintes, et que moi je parte la tête sereine.

Depuis quand avez-vous un préparateur mental ?

J’ai un préparateur mental depuis janvier 2023. Il m’accompagne sur la vie professionnelle comme sur la vie sportive, sur des choses que j’avais mal à maîtriser. Nous avons travaillé sur beaucoup de sujets, sur la gestion du stress, sur l’imagerie, sur le fait d’avoir peur, sur le fait d’être dans un état euphorique.

J’ai découvert l’imagerie et je l’utilise beaucoup pour me ressourcer. J’en fais aussi sur des entraînements assez durs, pour préparer des compétitions où il faut amener de la performance.

Pouvez-vous préciser ce qu’est cet état euphorique et ce qu’il entraîne ?

Depuis les mois de Mai-Juin je me sentais toujours à l’aise, à chaque entraînement effectué tout allait bien. Donc a priori je n’avais rien à lui dire puisque c’était le grand beau temps. En fait c’était important d’en parler avec lui pour voir ce qui était constitutif de cet état de pleine forme. Nous avons capitalisé sur ces moments de pleine capacité pour pouvoir retranscrire des éléments utiles les jours où ça va moins bien et balayer les nuages.

J’ai été blessé une semaine avant les Jeux, ça a été assez dur. Nous avons travaillé dessus. Nous avons fait de l’imagerie sur cette blessure (une élongation à l’ischio) pour essayer d’optimiser une guérison psychologique, pour accepter cette douleur, attendre, la soigner et faire un protocole plus médical ensuite. Ça a bien marché, j’ai eu mal, mais j’ai pu courir et être performant.

Antoine Pérel, avez-vous une maxime dans la vie ?

J’ai une petite phrase que je me répète assez souvent, « essaye de toujours faire de tes rêves une réalité ». Les rêves sont quelque chose d’imaginaire, il faut les transformer en concret, et pour cela il faut travailler et s’entraîner. C’est ce que je transmets à mes enfants également.

Quel est le dernier message que vous voudriez passer à ceux qui nous lisent ?

Peu importe le niveau que vous avez, peu importe la situation que vous avez, entretenez-vous, faites du sport !

Il n’y a pas que la performance, il y a le sport loisir, le sport partage… Aller marcher, se promener, faire simplement une activité physique bénigne, même quand on est en situation de handicap, est essentiel. Cela apporte beaucoup de plaisir. Ça permet de décompresser, d’arrêter de réfléchir quand on pense trop. Paradoxalement cette pause permet aussi de résoudre des problèmes, de laisser émerger des solutions parfois enfouies. Le sport crée des lumières ! 

Propos recueillis par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces

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