Plusieurs leaders dirigent une organisation. Il est intéressant d’identifier, de reconnaître et d'impliquer ces différents leaders pour tirer le meilleur parti de ce leadership partagé. Les leaders psychologiques ont notamment un rôle clé à jouer dans les transformations.
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Dans une organisation, vous avez souvent un leader fondateur, parfois appelé l’Évhémère, qui jouit d’un statut particulier. Quoi qu’il advienne par la suite, il restera « LE » fondateur. Avec sa vision et ses valeurs fondamentales [2]. Si les leaders suivants veulent réussir, voire devenir à leur tour des leaders « marquants » ou « primaux » dans l’histoire de l’organisation, il leur faudra emboiter un minimum les pas du ou des fondateurs. Bernard Arnault, François Pinault ou Xavier Niel sont leaders fondateurs et leaders opérationnels en exercice. Ce cumul souvent fascine.
Les leaders primaux marquent un tournant dans une organisation. L’Oréal a été fondée par Eugène Schueller mais c’est François Dalle qui a transformé cette PME en leader mondial des cosmétiques. François Dalle est un leader « primal » du groupe L’Oréal, encore aujourd’hui. Lindsay Owen Jones après lui en est sans doute un autre. Jean-Paul Agon (Président) et Nicolas Hieronimus (Directeur Général) réussissent parce qu’ils s’inscrivent dans cette lignée tout en conduisant des transformations importantes qui font le succès renouvelé du Groupe.
Même quand une personne est leader fondateur (ou primal) et leader opérationnel en exercice, il doit partager un peu de ce leadership opérationnel, en général incarné par 3 types de leaders assez différents :
Pour bien comprendre, prenons quelques exemples d’organisations du point de vue de leurs membres : salariés, joueurs, etc.
Un salarié de la caisse d’épargne d’Auvergne et du Limousin a un leader effectif en la personne du président du directoire, un leader responsable en la personne de la présidente du Conseil d’Orientation et de Surveillance (COS), qui contrôle la gestion assurée par le Directoire. Ce salarié peut avoir comme leader psychologique l’un des deux leaders décrits ou une autre personne de l’organisation vers laquelle il se tourne volontiers pour prendre conseil.
Un joueur de l’équipe de France de football au Mondial 2006 avait comme leader effectif le sélectionneur Raymond Domenech, comme leader responsable le président de la Fédération Française de Football (FFF) Jean-Pierre Escalettes, et comme leader psychologique Zinédine Zidane, connu pour avoir réuni l’équipe après un premier tour laborieux (La France avait fini en deuxième position derrière la Suisse en ayant gagné un seul match contre le Togo) et lui avoir demandé de suivre dorénavant ses instructions… qui ont emmené l’équipe jusqu’en finale.
Une éducatrice de la Fondation des Apprentis d’Auteuil peut avoir comme leader effectif son directeur d’établissement, comme leader responsable un membre du Comité de Direction Générale en charge des opérations (donc en charge de superviser son directeur) ou en charge des ressources humaines (donc d’elle de façon transversale). Elle peut aussi avoir comme leader psychologique la doyenne des éducatrices de son établissement, auprès de laquelle elle va régulièrement chercher des conseils et du soutien.
De même dans les organisations syndicales, aux yeux d’un militant le « patron de la confédération » (« la centrale »), n’est « que » le patron du siège, le leader responsable, celui qu’on interview dans les médias. Son vrai « chef » est le secrétaire général de sa « fédération » et nous avons vu plus d’une fois les ordres de la centrale être mollement suivis ou carrément contredits par les fédérations professionnelles.
Dans le monde des franchisés (Intermarché, Krys, etc.), « le siège » exerce un leadership responsable, il est force de proposition non décisionnaire sur bien des sujets. Les « vrais patrons », ce sont les franchisés, les leaders effectifs dans leur franchise respective.
Revenons à l’exemple de Xavier Niel. Nul doute que chez Illiad, même s’il n’est pas le seul à diriger, il est le leader responsable ET effectif du Groupe. Il incarne Free, jusque dans le ton de la communication et des vœux provocateurs pour l’année 2022. En même temps, Xavier Niel n’est sans doute pas le leader psychologique d’un certain nombre de salariés tout simplement parce tout collectif est libre de choisir son leader psychologique. Souvent ce choix se fait assez « naturellement » et souvent « inconsciemment ».
Dans une acception plus générale, beaucoup d’influenceurs sur les réseaux sociaux sont des leaders psychologiques pour leurs communautés de « followers ».
Pourquoi insistons-nous sur ces leaders psychologiques, parfois difficiles à détecter dans les organisations ou sur les réseaux ? Tout simplement parce qu’ils sont clés dans le cadre des transformations menées par les organisations. Impliqués, ces leaders psychologiques favorisent le changement. Ignorés, ils le freinent, voire le bloquent.
C’est pourquoi il vaut mieux partir du principe que le leadership est partagé, passer un peu de temps à identifier les différents leaders d’une organisation afin de les reconnaître, les écouter et les impliquer.
Pour en finir avec les idées reçues sur le leadership, aucun leader n’est une « huile » parce qu’il sait prendre, seul, des décisions rapides, fracassantes et lumineuses ; un leader est respecté quand il prend une décision éclairée par un collectif qui a pu s’exprimer pleinement, via un processus remontant ou une gouvernance bien pensés.
Décider, c'est notre rôle. Une organisation où les décisions peuvent être rapides et de haute qualité se structure. Décider s'apprend, s'affine. Appréhender la complexité, accepter une prise de risque et de ne pas toujours maîtriser le temps, comprendre l'influence des biais cognitifs et des émotions, être responsable et accepter les conséquence de ses choix sont autant d'éléments clés qui peuvent être accompagnés en coaching intégratif. Il permet de disposer d'un effet miroir, de feedbacks trop rares à haut niveau, de comprendre où se situent ses points forts et comment les utiliser au mieux au sein d'une organisation robuste, de lever des freins, d'apprendre de nouvelles techniques. "Moi en mieux" pourrait être l'objectif quotidien du leader, car son impact sur l'entreprise et la société sont majeurs.
Heureusement que les leaders ne sont pas tous des meneurs dominants, sinon nous irions tout droit à l’affrontement et à la destruction de valeur, ce qui se constate malheureusement de façon radicale dans certains Conseils d'Administration… Si un leader a manifestement du charisme, considérons simplement qu’il existe plusieurs façons d’avoir du charisme, avec une palette nuancée de manifestations, d'autant plus convaincantes qu'elles sont authentiques, alignées avec sa personnalité profonde. Moins d'énergie pour lutter contre ce que l'on est vraiment, c'est plus d'énergie pour l'action et pour fédérer une équipe, une entreprise, tout un mouvement.
Vive la complémentarité des leaders et bienvenue au leadership partagé !
[1] Pour nous guider dans notre description du leadership partagé, nous nous inspirés du chapitre 7 « L’autorité du groupe » de Structure et Dynamique des organisations et des groupes d’Eric Berne (Les Editions d’Analyse transactionnelle), ouvrage de référence de la « Théorie Organisationnelle de Berne », parfois appelée « Le système helvétique ».