Alain Ducardonnet : bilan santé et performance durable

Interview réalisée le 15 Juillet 2025 par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces.

Ce qui m’a marqué avant tout est la force de caractère des coureurs. J’ai vu des coureurs tomber, s’arracher la peau, se brûler. On les soignait en roulant, et pourtant, dès qu’ils entendaient qu’un rival avait attaqué, ils repartaient, comme transcendés. « Quand j’ai entendu ça, je n’ai plus rien senti », m’a dit un jour l’un d’eux.

Cette volonté fabuleuse à aller jusqu’au bout de son rêve, de son objectif m’a toujours fasciné. C’est une leçon universelle de l’humain et de la vie, qui se retrouve dans l’entreprise : sans objectif et sans motivation, il n’y a pas de dépassement possible des limites que l’on pense avoir à un moment donné.

Mes patients m’ont amené à transformer fondamentalement ma conception du malade et la façon dont je veux exercer la médecine. Je pense à un patient diabétique de type 1. Il était coureur cycliste professionnel, sur le tour sa pompe à insuline était réglée au minimum, et en inter-saison 3-4 crans au-dessus. J’ai alors compris que l’activité physique était un médicament.

Puis j’ai accompagné des malades cardiaques : ceux qui prenaient en main leur vie voyaient des résultats spectaculaires grâce à l’activité physique. À l’époque, en 1993, quand on a proposé à la Sécurité sociale de rembourser ces entraînements, on nous a ri au nez. On ne va pas vous payer une salle de sport. Aujourd’hui, les études sont formelles : il y a 30 à 40 % de risques en moins de refaire un infarctus avec une pratique physique adaptée.

C’est ce qui m’a convaincu : je ne voulais plus seulement réparer – comme un plombier ou un électricien – mais aussi travailler sur l’environnement du patient : nutrition, stress, sommeil, activité sexuelle, etc.  Il faut être extrêmement humble dans notre métier et quand on parle modes de vie, il y a beaucoup de gourous qui en profitent. La prévention implique de comprendre le quotidien des personnes.

C’est ce qui m’a amené à travailler avec Ellasanté, et sa dirigeante Emmanuelle Leclerc. Nous sommes partis d’une feuille blanche qui m’a passionné, pour améliorer la qualité de vie, faire que les maladies arrivent plus tardivement, et aborder le sujet de la prévention en entreprise pour le plus grand nombre, “depuis l’hôtesse d'accueil jusqu’au Président”.

Un bilan est une porte d’entrée essentielle. Il permet d’établir :

  • Le profil de risque de la personne qui consulte,
  • Son statut par rapport aux différents types de dépistages proposés,
  • Des diagnostics précoces de maladies silencieuses,

et surtout de faire prendre conscience de ses modes de vie.

bilan préventif , bilan santé

La médecine des modes de vie est un levier fabuleux. On considère que nos modes de vie sont les bons puisqu’ils nous conviennent, encore faut-il en prendre conscience. Si on se donne les moyens de les évaluer (nutrition, activité physique, sédentarité, stress, sommeil, ….) on peut agir concrètement, les optimiser. Ensuite vient le bilan, l’état des lieux de santé avec des examens plus ou moins poussés et …un accompagnement au changement.

Sans accompagnement, on ne fait que la moitié du travail. Après un bilan, il est souhaitable d’échanger avec la personne disons un mois après, pour débriefer et se fixer des objectifs réalistes de « réglages des modes de vie ». Le changement ne se fait que par petits pas avec un coaching. Bilans et coaching sont très complémentaires car le coaching permet d’accompagner la personne au cœur de ses enjeux quotidiens. L’accompagnement est extrêmement important pour l’adhésion de la personne qui consulte.

Au niveau collectif la performance est devenue « caricaturale » et courtermiste. C’est comme si on était dans un championnat du monde permanent - ce qui est absurde. Sur le plan à la fois physique et psychique, on tire sur la corde, mais les moyens ne sont pas inépuisables. Beaucoup de dirigeants pensent perdre du temps en s’accordant une heure pour eux, alors qu’ils en gagneraient énormément. 

Ce que vous faites chez Mainpaces est du plus grand intérêt, d’amener vers une autre forme de performance, plus durable.

Dans nos bilans, on voit du stress, du burn-out. Le mieux que l’on puisse faire est de l’évaluer, avec l’analyse du stress ressenti au travers de questionnaires validés. En y ajoutant la mesure objective de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) qui révèle son état interne de stress, on apprécie le décalage ou non. C’est un formidable outil de prise de conscience de la consommation de ses ressources.

Prendre du recul, mesurer son état, faire le lien entre stress, sommeil et vigilance, comprendre que les ressources ne sont pas inépuisables : c’est une condition de la performance durable.

On voudrait faire le marathon en moins de 3h sans s'entraîner. C’est impossible sans se blesser… et on n’ira sûrement pas au bout. Pourtant, beaucoup de dirigeants vivent comme s’ils pouvaient le faire.

Prendre soin de soi peut passer par un bilan adapté au profil. Il est souhaitable d’avoir un entretien préalable d’orientation pour « personnaliser » le parcours du bilan. On ne fait pas tout à tout le monde : ce serait inutile et contre-productif. Il faut cibler en fonction de l’âge, du profil, des enjeux. Le bilan doit devenir un guide pour agir sur le long terme.

La performance durable, c’est accepter d’investir sur soi. Comme un sportif, un dirigeant doit calibrer ses efforts, mesurer ses ressources, préparer l’avenir.

coaching executif

L’âge physiologique est bien plus important que l’âge civil.

Vers 55 ans, il reste une dizaine d’années de travail. Prenez le temps de voir comment évoluent les choses importantes pour vous, pour que vous puissiez prendre votre retraite en bonne santé. Demandez-vous comment vous voulez être dans 10 ans.

L’objectif d’un bilan, c’est de savoir s’il y a des maladies latentes, si vous avez un profil de risque particulier, des indices physiques et psychiques et si quelques réglages dans votre quotidien seraient un bon investissement.

Les grandes cibles aujourd’hui portent sur le cardiovasculaire, le diabète, le cholestérol, le cancer et la santé mentale. Dépister les maladies silencieuses, repérer les fragilités, et travailler sur les modes de vie permettent de durer plus longtemps en meilleure forme.

L’arrêt brutal de l’activité professionnelle est un moment critique. J’ai vu beaucoup de maladies cardio-vasculaires se révéler dans les années qui suivent. C’est la preuve que la transition doit se préparer 5 à 10 ans avant. La question n’est pas seulement médicale : il faut réfléchir à ce qui est important pour la suite, que ce soit l’activité physique, les passions (cuisine, voyages, arts,..) et l’environnement affectif.

Par l’accompagnement, toujours. Et surtout sans culpabiliser. Un bilan n’est utile que s’il débouche sur un entretien motivationnel, puis sur des actions concrètes.

santé

Il faut aider chacun à s’exprimer, à formuler ses propres objectifs. Sinon, on passe à côté de l’essentiel. La prévention n’est pas une affaire de chiffres ou de machines, mais de dialogue. 

Au niveau collectif, il y a les campagnes de dépistage, la vaccination, etc. Mais au niveau individuel, c’est le bilan et la prise de conscience. Il faut prendre rendez-vous avec soi. C’est d’ailleurs le titre de mon livre

Faire un état des lieux, identifier ses marges de progression, être accompagné. Les études sont claires : les bilans, quand ils s’accompagnent de conseils sur les modes de vie, et d’un accompagnement adapté réduisent considérablement l'occurrence des maladies (en particulier les cancers) et améliorent la santé globale.

Encore faut-il ancrer ces changements dans le quotidien. Ce qui compte, c’est la cohérence. On a aujourd’hui beaucoup d’outils. L’enjeu, c’est de les utiliser.

La qualité de l’environnement est aussi extrêmement importante, et beaucoup plus difficile à contrôler. C’est un enjeu majeur, par exemple d’aller vers la réduction des pesticides dont on parle tant aujourd’hui.

J’ai eu la chance de vivre cinquante années de progrès médicaux extraordinaires, en particulier en cardiologie : quand j’ai commencé mon exercice, après un infarctus, les gens restaient un mois sans bouger. Aujourd’hui après une pose de stent, ils reprennent leur activité normale au bout d’une semaine. En cancérologie, on a fait des progrès extraordinaires en thérapies ciblées et en immunothérapie. La plus grande révolution a été l’imagerie, qui nous a permis de voir l’intérieur du corps sans « rentrer » dedans.

On a fait des avancées immenses dans tout ce qui est curatif. Mais la prochaine révolution, c’est la prévention. Le fléau reste le vieillissement de la population et les maladies neurodégénératives. Nous devons absolument progresser sur ce terrain.

La prévention doit entrer dans la culture de chacun. Et là, l’intelligence augmentée (IA) est un outil formidable : analyse d’images, détection de grains de beauté, prédiction des risques. À condition de bien s’en servir.

« La porte du changement s’ouvre de l’intérieur. »

C’est la phrase qui résume tout, et que j’ai d’ailleurs reprise dans mon livre. On peut avoir les meilleurs médecins, les meilleurs coachs, les meilleurs outils, mais in fine, le changement dépend de soi.

Comment voulez-vous être dans 10 ans ? Qu’avez-vous à changer ? Par quoi allez-vous commencer ?

Prenez soin de vous. Prenez rendez-vous avec vous-mêmes. Dans l’entreprise, vous passez votre temps à prendre soin des autres, mais vous oubliez l’essentiel : vous. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est du bon sens.

Soyez positifs, investissez dans votre qualité de vie au lieu de craindre la maladie. Moins de fatigue, un bon tonus musculaire, un meilleur équilibre : voilà ce qui compte vraiment.

Et rappelez-vous : la longévité, en entreprise comme dans la vie, commence par soi.



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