Dans une société où l’information et les images sont surabondantes, l’enjeu ne peut plus être de tout voir, mais de voir mieux, c'est-à-dire de discerner, observer en questionnant, et non en subissant des représentations.
En coaching exécutif intégratif, l'accompagnement au discernement peut passer par l'approfondissement du regard. L’art contemporain apporte une dimension supplémentaire comme expression vivante de ce que nous sommes, un miroir où décoder notre époque complexe.
Nous vous invitons en auto-coaching à exercer votre sens du regard et à reproduire régulièrement l’expérience qui vous est partagée ci-dessous : prenez chaque semaine, chaque mois, dans un lieu d’art un moment à plusieurs (plusieurs pouvant être deux, son conjoint, un enfant, des amis, ..), observez, décrivez, partagez, et discernez.
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Introduction par Thérèse Lemarchand
Lors de notre rencontre de Juin du Club Mainpaces, nous sommes allés aiguiser notre regard à l’exposition Charles Ray de la Bourse du Commerce. Au-delà de la convivialité du moment et de l’intérêt culturel de la chose (qui sont déjà deux points loin d’être anecdotiques J ) pourquoi prendre le temps de changer de regard dans ce temple de l’art contemporain ouvert par un magna du luxe ? Est-ce un parti pris à la mode, ou juste ma danseuse personnelle ? Gardant les pieds sur terre, un objectif clé de coaching nous a poussé à partager et approfondir ce moment :
Exercer notre capacité à discerner, c’est-à-dire à apprécier avec justesse et clairvoyance une situation, des faits, développer notre intelligence, et notre sens critique.
Le discernement est essentiel en situation de décision. Quelle solution je choisis, comment je comprends les éléments qui me sont rapportés sur la dérive de ce projet ? Comment ce conflit peut-il être résolu ? Où se trouvent nos leviers de croissance ? ….
Deux pistes sont possibles pour mieux observer et discerner notre environnement ou une situation :
Transposé au sein d’un espace d’exposition, toute une expérience en découle, d’appropriation de la matière, des volumes, des pleins et des vides, de la lumière et de l’absence de couleur, de l’histoire qui se tisse d’une œuvre à l’autre. C’est une expérience très physique (au-delà des centaines de mètres parcourus d’un pas enlevé !), puisqu’elle nait de l’observation et de l’expression des ressentis, des émotions et des sentiments qui émergent et évoluent au fil de la confrontation avec l’œuvre et ceux de la communauté d’observateurs que nous constituons.
Nous en ressortons plus riches, de ce que nous sommes et dont nous avons pris conscience, de ce que les autres nous ont apporté, d’avoir consolidé notre capacité à observer, et de là développer la puissance de notre pensée, en confrontation avec ce que l’art contemporain nous dit également du monde.
Article par Hélène Mugnier
Face à la multiplication des musées et des foires d’art contemporain, on pourrait croire à un enthousiasme collectif partagé. Polémique et malentendus s’accumulent plutôt entre le public (c’est-à-dire chacun de nous) et les œuvres proposées. Autant dire que l’art contemporain déroute, agace et frustre nos attentes. En un mot, est-ce encore de l’art alors qu’à première vue au contraire, « un enfant de 4 ans pourrait en faire autant » ?
Dans l’art comme dans bien d’autres domaines contemporains, nos repères sont bousculés, voire renversés. Le « ni fait ni à faire » s’est substitué à la virtuosité du savoir-faire ; les matériaux les plus vulgaires ont remplacé la beauté idéale ; la froideur intellectuelle nous frustre de toute émotion. On ne parle d’ailleurs plus de peintre ou de sculpteur mais « d’artistes plasticiens ». Et plus question de rester contemplatifs devant leurs objets exposés, leurs « installations » nous obligent au contraire à nous déplacer autour, à interagir de manière active. Bref, soit les artistes se moquent de nous, soit nous passons pour des crétins ! L’explosion des repères n’est pas des plus confortables à vivre.
Et si, face à cette inversion des critères de l’art, nous changions à notre tour de regard sur l’art ? Après tout, pourquoi ne pas nous emparer de la proposition interactive des artistes et jouer avec ? Pourquoi ne pas cesser de toujours prendre au sérieux l’œuvre d’art comme un objet sacré, réservé à une élite savante ? Pourquoi ne pas nous approprier un regard critique et personnel, sans nous laisser contaminer par les jargons savants ? Pourquoi subir le musée comme un lieu de savoir et les œuvres commes des icônes sacrées ? L’enjeu de l’art contemporain n’est pas seulement de provoquer nos attentes et exigences. Il est aussi de nous inviter à apprivoiser de nouveaux repères, moins obsolètes et plus adaptés au monde contemporain.
L’expérience ludique et critique de l’art contemporain ouvre de nouveaux chemins de pensée. C’est plus une aventure à vivre qu’une démonstration imposante, l’occasion d’exercer notre propre créativité et de proposer de nouvelles hypothèses pour comprendre notre réalité. Si l’art contemporain nous ramène en enfance, c’est peut-être tout simplement pour nous rappeler que nous avons besoin d’expérimenter l’inconnu pour nous sentir vivre ! Rien n’est plus excitant et stimulant pour l’être humain que le déffrichage du neuf. La nostalgie du « c’était mieux avant » nous l’aurait-elle fait oublier ? Les discours dominants insistent sur les mots « crise », « rupture », « décadence ». Les artistes, eux, préfèrent les termes « opportunité », « ouverture », « réinvention ». Oserons-nous leur emboîter le pas pour construire le monde de demain ?
Quand on songe aux mutations qui secouent la société, la culture, la politique, l’économie depuis l’ère industrielle de la machine et de la vitesse, soit depuis le XIXe siècle, il n’y a guère de quoi s’étonner que l’art ait muté lui aussi. Les cathédrales gothiques étaient le miroir d’un fervent Moyen Âge chrétien; la Joconde ou la Chapelle Sixtine symbolisent l’Humanisme occidental et de la Renaissance. Pourquoi l’art d’aujourd’hui ne serait-il pas lui aussi une sorte de sismographe de qui nous sommes, un miroir où décoder notre époque complexe ?
Par leur capacité à mettre en forme leur environnement sans passer par l’intellect, en court-circuitant les mots et les concepts classiques, les artistes produisent des formes signifiantes, qui dépassent les « tendances » de surface que nous avons appris à repérer. Ce sont les signaux faibles de mutations beaucoup plus profondes et durables qu’ils donnent à entendre.
Le plus grand paradoxe de notre temps est sans doute de vivre dans un monde d’images sans en avoir jamais appris le décodeur ! Nous commentons à foisons chiffres et commentaires, certes. Sauf que notre langue commune dans un monde globalisé est d’abord visuelle, à commencer par les logos de marques ou les images télévisuelles !
Dépourvus donc de méthodologie appropriée, quand prenons-nous le temps d’observer notre environnement ? De trier et hiérarchiser les images qui font sens pour les distinguer des autres ? Ne sommes-nous pas tentés plutôt de prendre pour argent comptant ce qui nous est donné à voir ? « C’est dit dans le poste, donc c’est vrai » ; « je l’ai vu, c’est une évidence pour tout le monde »
Face au déferlement d’images qui s’accélère tous les jours, notre œil sature, notre vigilance s’anesthésie, notre capacité d’observation s’étiole. L’enjeu ne peut plus être de tout voir, mais de voir mieux, c'est-à-dire de discerner, observer en questionnant, et non en subissant la manipulation des images. Agir dans la complexité et l’incertitude, ce n’est pas s’en remettre aux recettes obsolètes d’hier, mais oser se forger une intime conviction et l’assumer pour décider.
Voir est devenu plus que jamais un « art »… qui s’apprend, s’entretient, se remet en question, évolue, se travaille, s’affine.
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Hélène Mugnier
Hélène Mugnier est historienne de l’art (diplômée de l’Ecole du Louvre), spécialisée sur l’art contemporain, comme sismographe de notre environnement. Après avoir créé une agence de communication par l’art (Artissimo) de 2000 à 2005, elle est consultante indépendante en management depuis 2007. Elle anime des formations sur l’innovation, la créativité, le discernement et la complexité. Elle poursuit par ailleurs une activité de recherche sur les mutations contemporaines. Elle est membre du Comité de rédaction de la revue Esprit.
Publications : Art et Management, du fantasme à la réalité, (Demos, 2007), Quand la nature inspire les peintres (Plume de Carotte, 2012)