Cultiver la douceur en entreprise : nouvelle approche managériale ?

La douceur est souvent perçue comme une faiblesse dans notre société dominée par la compétition et la rapidité. Pourtant, elle peut être une force puissante, capable de transformer en profondeur les relations humaines, le leadership et même les dynamiques d'équipe.

Dans cet article, nous explorerons comment la douceur – en entreprise, dans nos interactions quotidiennes, et envers nous-mêmes – peut être une voie vers une influence durable et un bien-être authentique. En cultivant cette qualité subtile mais puissante, nous ouvrons la porte à un nouveau type de leadership et de réussite.

La douceur, de quoi parlons-nous ?

Voici quelques définitions du Petit Robert, 

  • Qualité de ce qui procure aux sens un plaisir délicat. La douceur d'un parfum, d'un coloris, d'une peau.
  • Qualité d'un mouvement progressif et aisé, de ce qui fonctionne sans heurt ni bruit.
  • Qualité morale qui porte à ne pas heurter autrui de front, à être patient, conciliant, affectueux. Douceur de caractère.

Au quotidien, nous pouvons vérifier que, dans certains contextes, nous parvenons mieux à nos fins en nous y prenant “en douceur”.

Anne Dufourmantelle, psychanalyste et philosophe, écrit dans son livre Puissance de la douceur :

« Elle est une passivité active qui peut devenir une force de résistance symbolique prodigieuse, et à ce titre être à la fois au centre de l’éthique et du politique.

Elle n’est pas un concept, on fait acte de douceur.

Elle est une qualité dont les registres infinis vont au-delà du règne du vivant.

Elle est une force de transformation secrète prodiguant la vie, reliée à ce que les anciens appelaient justement la puissance.

Elle est inquiétante. Elle s’éprouve et comme la bêtise elle ne sait pas bien parler. »

La douceur en entreprise : comment agir?

Dans le monde de l’entreprise, il est fréquent d’assimiler ou d’associer “douceur” à “bienveillance”, “calme”, “empathie”.

Au-delà des mots, adoptons quelques instants une approche systémique. Dans le système, plus un changement est isolé et brutal, plus le système mettra toute son énergie à revenir à l’état initial. C’est ce qu’on appelle l'homéostasie. Le système parviendra à ses fins car les forces du système sont très supérieures à la force du perturbateur isolé. Et en cas d’agression, c’est une question de survie.

Un acteur bienveillant a plus de chances de faire évoluer le système s’il agit avec d’autres et s’il est délicat, progressif, subtil. Sinon il sera confondu par le système avec un acteur agressif et menaçant.

Agir avec d’autres - Cela lui permettra de s’appuyer sur le collectif, voire de se laisser transformer par le collectif, de faire collectif.

Être délicat, progressif, subtil - Cela lui permettra de minimiser les frottements, donc les réactions “contre”, les conflits et autres résistances.

Stephen Covey (1932-2012), auteur du best-seller Les 7 habitudes des gens efficaces, a mis en évidence que l'agressivité suscite généralement méfiance et opposition des autres parties prenantes et qu’il vaut mieux privilégier la compréhension de l'autre, l’écoute bienveillante et la recherche avant tout de la satisfaction des intérêts des autres.

Taper ou comprendre : deux voies possibles s'offrent à nous. Nous comprenons aisément que la colère nourrit l’envie de taper et la douceur l’envie de “comprendre”, c’est-à-dire étymologiquement de “prendre avec” et donc pas “sans” l’autre ou “contre” l’autre. 

Tania Singer (née en 1969), docteur en psychologie et responsable scientifique du laboratoire de neurosciences sociales de la société Max Planck de Berlin, a utilisé l'imagerie cérébrale pour montrer que la bienveillance active les mêmes zones du cerveau que l'empathie, notamment l'insula.

Être doux avec autrui active selon elle un processus naturel d'identification qui facilite la compréhension mutuelle.

A l'inverse, la confrontation et l'agressivité déclenchent des mécanismes défensifs qui rendent le dialogue quasiment impossible.

De nombreuses approches nouvelles sur le leadership mettent en avant la douceur dans la capacité à développer une influence durable : La douceur, la compassion et l’altruisme chez Dacher Keltner (né en 1962) ; La douceur, la générosité, la compassion chez Adam Grant (né en 1981)

Au-delà des bénéfices interpersonnels, la douceur s'avère également être une qualité essentielle pour le bien-être individuel. Kristin Neff (née en 1966), professeur associé au département de psychologie de l'éducation de l'université du Texas à Austin, a montré que la self-compassion, c'est-à-dire la capacité à se traiter avec douceur et bienveillance, est étroitement liée à une meilleure santé mentale, à une plus grande résilience face à l'adversité et à une plus grande satisfaction de vie.

En effet, être doux envers soi-même permet de mieux gérer le stress, les échecs et les moments difficiles. Cela favorise une vision plus réaliste et moins autocritique de soi, ce qui contribue à renforcer l'estime de soi et la confiance en soi. Au niveau physiologique, la douceur envers soi activerait également des mécanismes de régulation émotionnelle, réduisant ainsi les effets néfastes du stress chronique sur la santé.

Nous montrer doux envers les autres, avec tous les bénéfices que nous avons vus, commence par être doux vis-à-vis de nous-mêmes.

En étant doux envers nous-mêmes et envers les autres, nous contribuons à créer un cercle vertueux de bienveillance et de coopération, bénéfique à l'échelle individuelle comme collective. Face à un monde souvent dominé par la compétition et l'individualisme, la douceur s'affirme donc comme une force insurpassable, à cultiver et à valoriser.

La douceur en entreprise, et avant tout envers nous-mêmes

Comment être doux vis-à-vis de soi-même ? D’après Anne Dufourmantelle, la douceur est tout sauf idyllique. Il faut du courage et de l’énergie pour laisser derrière soi pouvoir et rivalité, se connecter à plus d’entraide et d’intelligence partagée. Le chemin vers la douceur commence par la douceur envers soi-même, ce mouvement qui nous éloigne de notre sauvagerie et asservissement d’origine pour aller vers l'acceptation de l'altérité. Autrement dit, nous ne pouvons être doux avec les autres qu’en étant d’abord doux avec nous-mêmes. 

La douceur : d’abord une question de tête, de cœur ou de corps ?

Dans la pratique de coaching génératif que nous transmettons chez Mainpaces, le corps est médiateur. Par une mise en mouvement de l’être commence à se créer quelque chose qui n’existait pas encore. La sensorialité est une voie de connaissance. L’interaction avec les autres et avec l’environnement passe par les sens.

“Qu’est ce que vous sentez là maintenant ?”

Question souvent déconcertante pour les personnes qui commencent à méditer. Nous sommes habitués à la voie de l’écoute, immédiate et directe. Mais quand un être humain peut vivre aveugle, sourd, manquer totalement de goût et d’odorat, il ne saurait survivre un seul instant sans les fonctions assurées par la peau.

« La peau est ce qu’il y a de plus profond dans l’homme »

dit Paul Valéry.

La douceur passe par le toucher physique, donc par le corps. Toucher un bébé est vital. Les travaux de René Spitz (1887-1974) ont montré qu’un bébé non touché pouvait développer des carences psychoaffectives jusqu’au marasme et à la mort. De même accompagner une personne jusqu’à son dernier souffle se fait avec plus de douceur en le touchant en général avec la main. De ce fait, la douceur est frontalière puisqu’elle accompagne les passages. En se diffusant, elle les modifie. Se prodiguant, elle métamorphose. Elle ouvre dans le temps une qualité de présence au monde sensible.

Lors des séances de pratique, nous évoquons régulièrement sa présence et c’est en décidant de ne pas passer par les mots et la parole que nous pouvons la ressentir plus facilement. Autrement dit, si la parole est très utile pour transmettre du rationnel ou exprimer des émotions, elle n’est pas l’unique moyen pour se connecter à sa douceur.

Afin de montrer la douceur dans sa puissance silencieuse, il est important que chacun puisse ressentir les parties du corps sur lesquelles la douceur n’est pas opérante et les parties du corps où elle l’est de façon puissante.

Le toucher nous indique que nous vivons dans un monde en volume à 3 dimensions. C’est lui qui nous permet de nous retrouver quand nous ne pouvons utiliser à plein nos autres sens, et avec la douceur de laisser place au subtil.

Développer notre sens du toucher, c’est atteindre son Être, ce qui réclame « présence » et « écoute ».

Caressons donc l’idée d’être plus en présence, davantage à l’écoute, de devenir plus altruistes et compréhensifs d’abord envers nous-mêmes et ensuite envers les autres. Laissons couler cette douceur qui est en nous. Nous nous rendrons compte qu’elle est inépuisable, que son influence est durable et que le dialogue qu’elle ouvre est fructueux. Changeons le monde en étant acteurs de la traversée de cette douceur universelle. 

Conclusion : "On ne domine bien que par la douceur"1

Fabrice Daverio et Nathalie Cezilly pour le collectif Mainpaces

  1. On ne domine bien que par la douceur", Andrée Maillet, poétesse et romancière québécoise (1921-1995) ↩︎

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