Les jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 viennent tout juste de débuter, et avec eux l’occasion de mettre en lumière le sujet souvent mis de côté de la santé mentale des sportifs de haut niveau. Les jeux de Tokyo 2020 et la crise du Covid ont permis de libérer la parole des athlètes et d’accélérer sa prise en considération. En conséquence, la majeure partie des pays n’a pas fixé de quotas de médailles pour les jeux, afin de limiter la pression sur les athlètes, hormis la France, la Grande Bretagne et les Pays-Bas, révélait le japonais Takeshi Kukidome, directeur de l’Institut national des sciences du sport dans Ouest France. [1]
La France tente de rattraper son retard en la matière. En avril dernier, la ministre des sports annonçait un certain nombre d’actions visant à une meilleure préservation de la santé mentale des athlètes et une protection contre le cyber-harcèlement pendant et après les jeux. [2]
Si nous faisons un parallèle entre sport et entreprise, deux milieux exigeants et mettant au cœur la performance, quid de la prise en compte de la santé mentale des cadres dirigeants, ces athlètes de haut niveau d’un autre genre ?
Il existe de nombreux parallèles entre athlètes de haut niveau et dirigeants, et en particulier autour de la détermination dont ils font preuve et de la pression qui repose sur leurs épaules dans des environnement hautement compétitifs. Dans un cas comme dans l'autre, cela s'accompagne de fixation d’objectifs, de la mise en place de stratégies de performance, de planification sur plusieurs échelles de temps (cycle annuel, macro cycle, mésocycle, microcycle, etc.).
A cela s’ajoute le fait de se préparer à l’action (même si souvent cet aspect est moins pris en compte en entreprise de manière systématique et systémique) et de récupérer (sur ce point l’écart est peut être encore plus grand entre athlète et dirigeant).
Mais il existe aussi de vraies différences entre les deux univers :
Les objectifs fixés en entreprise sont souvent uniquement des objectifs liés au résultat engendrant des pressions supplémentaires puisqu’ils sont sujets à des facteurs non maîtrisables et indépendants de soi.
Le rapport au temps est également différent. La journée d’un dirigeant est souvent très destructurée avec beaucoup plus d’incertitudes (c’est particulièrement vrai pour les dirigeants de PME et d’ETI). Par ailleurs, le “métier” de dirigeant (est ce un métier, on peut se poser la question) se déroule sur un temps long : dans grand nombre de sports, un athlète de haut niveau à 40 ans est une personne rare ; un dirigeant à l’âge de 40 est dans la force de l'âge. Et sa carrière va potentiellement se poursuivre encore de nombreuses années.
Enfin, les temps d'action, de préparation, de récupération sont très différents en entreprise. Dans une même journée, une même semaine, un dirigeant peut vivre plusieurs situations à très fort enjeu pour lui et son organisation. Ces échéances ne sont pas forcément fixées et connues à l’avance comme peuvent l’être les compétitions sportives inscrites dans un calendrier, alors qu’elles demandent des habiletés d’adaptation très particulières.
Sportif de haut niveau et dirigeant d’entreprise peuvent tous deux faire face à une certaine solitude dans leurs décisions face à ces enjeux multiples. Cependant, le dirigeant doit souvent lui-même trouver les clefs de sa performance et de son bien-être. Tandis que l'athlète est généralement encadré par un entraîneur et un staff qui favorise le développement de ses qualités pour lui permettre de performer tout en prenant en charge sa santé physique et mentale. Datas, questionnaires et autres tests jalonnent sa saison afin de monitorer les performances, établir des programmes d’entraînement, réguler les charges de travail… Le dirigeant, lui, est généralement peu accompagné (au sens d’avoir un coach, un entraîneur, un staff dédié). Et quand c’est le cas, le coach n’est jamais à ses côtés ! Ni à “l'entraînement”, ni en “compétition”.
Par entraînement, on entend la notion de préparation et d’exercices aux performances attendues. Par exemple, pour préparer un conseil d’administration à enjeux, un dirigeant s’entraînerait en prenant le temps d’écrire ses idées principales et les moments clefs de sa prise de parole. Il testerait sa communication verbale et non verbale lors de réunions et en prenant des feedbacks. Il mettrait en place une routine de performance pour être le plus efficace possible physiquement et mentalement. Il organiserait son agenda pour prévoir des moment de ressourcement et de centration avant sa présentation.
Chez Mainpaces nous proposons cette vision “staffée” de l’accompagnement du dirigeant. En ce sens, le coach exécutif pourrait être l’équivalent de l’entraîneur. Le référent principal et le pilier de la démarche d’optimisation de la performance et de bien-être du dirigeant. Il met en place avec le bénéficiaire des objectifs précis et évaluables dans le temps qui vont être le fil conducteur de la démarche d’accompagnement et des séances de travail.
Voici quelques exemple d’objectifs fréquemment rencontrés : être légitime dans mon rôle de dirigeant / de manager, apprendre à fédérer, apprendre à me ressourcer, exprimer mes besoins, apprendre à mieux me connaître, gérer mon stress, apprendre à réguler mes émotions, développer une meilleure relation au temps (temps court / temps long, action / réflexion), mieux articuler vie professionnelle et personnelle.
Le coach exécutif, tenant compte des connaissances et des compétences dont il dispose dans divers domaines de la performance, fait appel à des experts spécialisés afin de répondre aux besoins et problématiques spécifiquement rencontrées. C’est ce maillage et ce travail de co-construction qui permettent un suivi efficace et complet du bénéficiaire. C’est ainsi que la préparation mentale à toute sa place parmi les expertises proposées afin de développer les habiletés mentales.
Si l’on se réfère à l’OMSAT-4 (J.Fournier, M. Bernier et N. Durand-Bush, 2007), test psychométrique utilisé en préparation mentale pour le sport, il existe trois grands types d’habiletés mentales :
les habiletés dites de base (établissement de buts, confiance, engagement), celles dites psychosomatiques (réactions au stress, contrôle de la peur, relaxation et activation) et celles dites cognitives (concentration, reconcentration, imagerie, pratique mentale et planification des compétitions). On peut constater la transférabilité de l’entraînement de ces compétences au milieu de l’entreprise et aux besoins du dirigeant.
Ainsi le travail en préparation mentale joue un rôle très important pour un sportif comme pour un dirigeant. “Le mental, c’est le 1% qui change tout” ! comme le dit Pierre Cochat, coach et préparateur mental, membre du collectif Mainpaces, et auteur de ce texte avec Elodie Delaunay, préparatrice mentale et membre du collectif Mainpaces.
Cette approche peut par exemple s’orienter sur la prise de conscience de son corps (mieux l’écouter) pour savoir s’accorder du repos et regagner en énergie en utilisant des approches comme la pleine conscience et des techniques respiratoires. Il pourra aussi porter sur la mise en place de routines de performance et de reconcentration ainsi que le développement de stratégies d’actions concrètes, pragmatiques, réalistes et régulières pour atteindre ses objectifs personnels. On peut également citer l’utilisation de l’imagerie mentale en tant qu’outil multimodal intéressant pour travailler sur la gestion du stress, la confiance en soi etc… Un aperçu des possibilités permises par la préparation mentale.
Voici un cas concret de la transférabilité des outils de préparation mentale du milieu sportif à celui de l’entreprise.
William est dirigeant d’un cabinet de conseil. Il est aussi triathlète et surtout ultra cycliste. L’ultra cyclisme consiste à faire de très longues distances sur plusieurs jours et en autonomie. Il existe des épreuves connues comme la Race Across America, Race Across France, la NorthCape 4000, Paris Brest Paris, la Haute route Alpes. William préparait la Race Across France (RAF) en prévision de la NorthCape 4000 quand il a démarré un suivi en préparation mentale afin de mieux se connaître et de développer son intelligence émotionnelle.
Au fur et à mesure de l’accompagnement, William a transféré et intégré les techniques dans son milieu professionnel et notamment dans son rôle de dirigeant. En voici trois exemples que William utilise régulièrement :
Bien qu’il existe des avancées dans le milieu entrepreneurial comme la création d’espace de repos, on peut constater encore à quel point il est mal perçu dans notre société française de faire la sieste. Et pourtant ses vertus cognitives et physiologiques (vigilance, mémorisation, homéostasie) ont été démontrées [3]. Des croyances bien ancrées comme le présentéisme, ne pas montrer ses émotions car perçues comme un aveu de faiblesse… qui influent sur la santé du dirigeant avec un point d’orgue : le burn-out. Dans le sport comme en entreprise, c’est avant tout la remise en cause de la culture établie et la refondation de nouvelles croyances qui amèneront vers un mieux-être et un mieux-vivre général, faisant de nos accompagnements non pas l’exception mais la norme.
Elodie Delaunay et Pierre Cochat pour le collectif Mainpaces
[1] Quotas de métailles par pays, jeux de Tokyo 2020 : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2024-04-24/pour-preserver-la-sante-mentale-des-athletes-ces-pays-ne-fixent-plus-d-objectif-de-medailles-aux-jo-850b78d0-619d-493f-96cd-e3c008a18a27
[2] : Actions visant à une meilleure préservation de la santé mentale des athlètes : https://www.sports.gouv.fr/rencontre-sur-la-protection-de-la-sante-mentale-des-athletes-2652
[3] : Les vertus cognitives de la sieste :
https://www.larevuedupraticien.fr/article/interet-de-la-sieste-que-dit-la-recherche