Connaissance de soi et performance, rencontre avec Séverine Guerif

Séverine Guerif a eu deux vie. L'une que l'on pourrait qualifier de "classique" avant 40 ans, que des insatisfactions professionnelles et des difficultés de santé viennent percuter. Séverine commence à s'entraîner en course, et réalise que ses temps sont hors du commun. Autodidacte, elle devient championne de France et championne du monde de duathlon sprint à plus de 40 ans.

" Je ne rêvais pas d'être championne du monde mais peut-être de toujours tirer le meilleur de moi et être positive. C’est cette soif de vie que je veux retrouver. Parfois on a oublié cela." 

Dans cet article émouvant, Séverine partage son chemin de vie, son travail, ses victoires, et les découvertes qu’elle applique dans son entraînement, dans un corps à corps avec la maladie.

Interview réalisée le 30/09/2022 mise à jour le 24/032023 par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces

Découvrir ses capacités sportives à 40 ans

Bonjour Séverine, 

vous avez été championne de France de triathlon en 2020, et championne du monde de duathlon sprint en 2021 et 2022 en master 2 (5 km de course - 20 km vélo - 2,5 km de course à pied). Mais surtout votre carrière de sportive a débuté à 42 ans, et s’est déroulée dans des conditions difficiles.

Qu’est ce qui vous a amené à cet âge à ce résultat là ? 

Mon aventure a commencé en 2017. A l’époque j’étais sportive loisir, je faisais 2-3 séances par semaine. Les années 2016 et 2017 ont été compliquées pour la famille. Je n’obtenais pas ce que je souhaitais en termes d’évolution de carrière. Mon conjoint a été atteint de la maladie de Lyme, et j’ai été hospitalisée pour une tumeur. En sortant, le chirurgien m’a dit “Si vous revenez au sport, revenez-y molo”. 

J’ai regardé dans le dictionnaire je n’ai pas trouvé le mot molo. Je voulais me faire plaisir.

J’y suis allée avec curiosité, sans me fixer de limite, par l’écoute du corps et des sensations. 

Fin 2017, mon conjoint (professeur agrégé d’EPS) a commencé à regarder mes résultats sportifs que je ne regardais pas moi-même, et a constaté que j’étais déjà dans le top 5 en duathlon sprint. Son regard a changé, il est sorti de sa maladie, et le sport est devenu pour nous un projet commun.

J’ai commencé un entraînement plus spécifique, et j’ai participé au championnat de France au printemps 2018. En 2019 je suis arrivée 6ème au championnat du monde, à 1mn du podium. La plus haute marche est devenue accessible. J’ai travaillé plus et mieux, et nous avons également inclus une approche plus stratégique avec un reporting de chaque concurrente, et en 2020 j’ai décroché l’impossible, la marche la plus haute.

Qu’est ce que ce résultat a changé pour vous ?

A partir de ce jour, plus rien n’a été comme avant. J’ai pris conscience du potentiel de ce que je pouvais mettre en place. En 2022, le 2ème titre que j’ai décroché n’a fait qu'accroître ma motivation.

A partir du moment où on réalise ce qui nous semblait impossible, rien n’est plus impossible. 

J’ai réalisé l’importance de la détermination à réussir pour gagner, et  je n’ai plus de doute pour la réussite. Mais j’ai aussi réalisé que ce n’est pas d’avoir gagné qui était important. Il fallait mettre en place le travail nécessaire, de la qualité de travail, et des bonnes actions, et c’est ça qui est aujourd'hui important pour moi.

Apprendre à se connaître soi-même, un cheminement

Avez-vous rencontré des difficultés en chemin ?

J’ai eu beaucoup d’autres difficultés personnelles. J’ai fait un burn-out professionnel, j’ai eu un cancer du sein, des blessures, des problèmes de vélo… J’avais envie de relever un défi personnel, et de démontrer qu’à plus de 40 ans, qui est normalement le début de baisse de performance physique, je pouvais utiliser le sport pour réussir dans quelque chose qui ne tenait qu’à moi. J’ai découvert que les embûches font partie de la réussite. 

Ça a été mon chemin, et c’est devenu pour moi un terrain d’étude, de voir où mon corps, la performance, le mental pouvaient m’emmener. Ca reste l’inconnu. A la fin de mon traitement de radiothérapie, j’ai eu une grosse fatigue mentale et physique. J'ai dû arrêter la compétition pendant 4 mois à cause du nouveau traitement, je ne pouvais même plus marcher. Je reprends tout juste les courses et je viens de gagner Odysséa (course solidaire contre le cancer du sein). Je l’ai gagnée 8 mois après l'opération 🦀 et le jour des 18 ans de mon fils Mathis. Ça a été très symbolique pour moi.

J’accepte ça. Malgré tout ce qui peut arriver dans la vie, la façon dont on ressent ses ressources physiques et psychologiques, dont on s’entoure des bonnes personnes, positives, permet d’obtenir un résultat. Je vois ce qui m’arrive aujourd’hui de difficile comme une opportunité, comme un mal pour un bien. 

Bien souvent on utilise la rage et les frustrations pour faire des choses, mais maintenant j’enlève toutes les frustrations pour aller plus loin. J’ai découvert que mon hyper-émotivité et mon hyper-activité faisaient partie de moi, et je les mets maintenant à profit de choses plus utiles et plus positives.

Qu’est-ce que ces difficultés, ces succès, et ce chemin vous ont encore appris ?

J’ai vécu une aventure humaine exceptionnelle. C’est ça qui me porte. Et grâce à ça je suis devenue meilleure humainement.

On prend et on donne à la fois. Je donne beaucoup, j’apprends à prendre ce que l’on m’offre et à remercier. Mon hyper-émotivité m'empêchait de partager mon émotion, j’avais peur de faire rentrer des personnes dans ma sphère personnelle, j’avais une énorme carapace. J’ai découvert qu’être hyper-émotif c’est aussi une chance, on ressent les choses, on se ressent soi-même. J’en retire une force maintenant, alors que je pensais que c’était une faiblesse.

Je me suis tellement cachée. Aujourd’hui je me réalise pleinement. Quelle erreur j’ai faite à vouloir devenir quelqu’un que je n’étais pas !

Cela me permet d’être porteuse de choses positives pour les autres, quand je partage avec eux mon expérience. Je vois des gens se mettre en action autour de moi, dans mon sillage. Trop de gens s’empêchent de se remettre en action. Pour moi la vraie question, fondamentale, est “qu’est ce qui t’empêche vraiment ?”.

La symbiose corps-mental pour dépasser ses limites

Comment avez-vous appris tout cela, quelles ont été vos inspirations, votre entraînement ?

Je suis autodidacte, je fais ma propre préparation physique et mentale. Mon programme n’est pas très strict, mais je suis très focus corps-esprit pour optimiser mes résultats, car les deux sont liés. Pour me réaliser en tant que personne, j’avais besoin de pouvoir concilier ma vie familiale et affective, ma vie professionnelle, et ma vie sportive. Ce qui ne me laissait pas beaucoup de temps !

D’un point de vue physique, je suis toujours dans la gestion de l’effort et l’écoute de ce que je suis capable d’endurer. A l'entraînement il faut puiser dans le maximum que l’on peut donner sans casser la machine et s’épuiser mentalement, car c’est difficile de remonter.

Et toutes les 3 semaines, je fais faire un effort beaucoup plus difficile à mon corps, jamais le même, ça l’oblige à réagir. Il faut vivre de temps en temps des choses plus difficiles à l'entraînement, car on est préparé cela arrive le jour J en compétition.

D’un point de vue mental je ne pensais pas atteindre ce niveau là. Je n’avais pas de méthodes ou de ressources de préparation mentale dans mon club, alors je me suis fortement inspirée de Mike Horn, que j’adore. J’ai regardé toutes ses vidéos. Comme on a plein de croyances limitantes, je matérialise mon cerveau comme s'il y avait des cloisons, et j'abats toutes les cloisons. Il faut faire croire à son esprit que c’est possible, le cerveau n’est pas capable de faire la différence. 

Etre tactique, c’est connaître ses concurrentes. Dans une course mon cerveau calcule tout de suite par rapport à mes concurrentes ce que ça va donner, et me permet d’ajuster mon effort sans regarder le chrono. Regarder son chrono empêche d’avancer, ce n‘est pas le compteur qui va me dicter ce qu’il faut que je fasse ! Le pilotage aux sensations est beaucoup plus efficace. Le jour J, je sais que le travail a été fait, que j’ai mis tout ce que je pouvais mettre en place. Je pose mon cerveau et je me fais confiance. 

Mike Horn a fait les choses progressivement. Tout est possible à partir du moment où on fait ce qu’il faut, une étape après l’autre. Et il faut bien analyser sereinement, objectivement, avec les ressources du moment. C’est en fonction de cela que le résultat est bon ou non.

Quel dernier message souhaitez-vous passer à ceux qui nous lisent ?

Quand on était enfant, on rêvait de qui on voulait devenir. Ce sont les valeurs qui nous guidaient à ce moment-là, qui on était. Ces rêves-là, qu'en faites-vous aujourd’hui ? 

Je ne rêvais pas d'être championne du monde mais peut-être de toujours tirer le meilleur de moi et être positive. C’est cette soif de vie que je veux retrouver. Parfois on a oublié cela.

Aujourd’hui je suis en cohérence avec mes valeurs et c’est ça qui me porte dans une autre forme de réussite. Les chefs d'entreprise ont peut être des objectifs qui ne sont plus en cohérence avec leurs valeurs, et qui parfois les empêchent d’avancer. 

Rêvez des trucs de fous, et faites-les !

Principaux palmarès

2022
Championne du Monde de duathlon
Vice-Championne de France de Duathlon

24 Heures du Mans Vélo
Vainqueur par équipe 6

2021

Championne du Monde de duathlon
Championne de France de Duathlon

2020

Vice-Championne d'Europe de duathlon
Championne de France de Triathlon

2019

Championnat de France de triathlon : vice championne
Championnat de France de duathlon : médaille de bronze
Championnat du Monde de Duathlon : 6ème
Cross duathlon : championne régionale Pays de la Loire

2018

Catégorie master Championnat de france de cross triathlon : vice championne
Championnat de france de duathlon : médaille de bronze
Duathlon international de Meaux : 2ème
Cross duathlon : championne régionale Pays de la Loire

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