Neurosciences et écologie du leadership : les biais cognitifs

Notre cerveau nous trompe-t-il ? 

Notre cerveau n'aime pas l'incertitude, et il dirige notre attention vers ce qu'il considère comme le plus probable. Notre cerveau arrange les choses pour leur donner du sens, il revisite la réalité pour nous rendre plus efficace, facilite l'intégration à des groupes sociaux et contribue également à la bonne santé mentale (tout questionner serait ingérable). Mais "le cerveau voit ce qu’il croit" et cette distorsion peut affecter notre leadership au quotidien. 

Comprendre nos modes de fonctionnement pour prendre des décisions éclairées est primordial. Dans cet article nous vous proposons une lecture des fonctionnements de notre cerveau, pour agir, en pleine conscience !

Article librement inspiré de la conférence du Club Mainpaces, le 13 octobre 2022, par Sophie Lavault, docteure en Neurosciences, ingénieure de recherche, psychologue clinicienne et hypnothérapeute.

Qu’est ce qu’un biais cognitif ? 

Selon Jean-François Le Ny, psychologue spécialisé dans la cognition : « Un biais est une distorsion (déviation systématique par rapport à une norme) que subit une information en entrant dans le système cognitif ou en sortant. Dans le premier cas, le sujet opère une sélection des informations, dans le second, il réalise une sélection des réponses ». 

Le terme biais fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. Les biais cognitifs conduisent le sujet à accorder des importances différentes à des faits de même nature, et peuvent être repérés lorsque des paradoxes ou des erreurs apparaissent dans un raisonnement ou un jugement.

L'étude des biais cognitifs fait l'objet de nombreux travaux en psychologie cognitive, en psychologie sociale et plus généralement dans les sciences cognitives.

Ces travaux ont identifié de nombreux biais cognitifs propres à l'esprit humain à travers de multiples domaines : perception, statistiques, logique, causalité, relations sociales, etc. Du point de vue de leurs domaines, on peut distinguer entre autres des erreurs de perception, d'évaluation, d'interprétation logique. Ces biais cognitifs ne sont généralement pas conscients. Leur caractérisation est importante aussi bien dans les domaines judiciaire que scientifique, puisqu'ils sont vus comme préjudiciables dans un processus logique.

biais cognitifs
Biais cognitifs

Biais cognitifs et interprétations

Le cerveau n’aime pas l’incertitude, il interprète et sélectionne les informations qu’il considère comme pertinentes. 

Première expérience : Colgate

Si l’on vous demande de regarder cette image pour une publicité Colgate, que voyez-vous ?

Expérience Colgate

Lorsque l’on demande ce qui ne va pas dans cette image, la majorité des personnes relèvent la dent noire du monsieur, pas très appropriée pour une publicité d’une marque pour le soin des dents…

Cependant, peu de  personnes se rendent compte que la dame a 6 doigts sur cette image ! En effet, notre cerveau a fait le tri, et a porté son attention sur ce qui était le plus pertinent, sur ce qu’il attend : les dents ! La main de la dame passe alors inaperçue. 

L’attention est dirigée vers ce que le cerveau attend, ce qu’il considère comme le plus probable. 

Biais cognitifs et émotions

Certains paramètres comme les émotions peuvent avoir une influence nos interprétations. 

“Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur ces choses.” Epictète

Deuxième expérience : Les émotions

Si on isole 2 groupes, et que l’on montre à un groupe des images neutres, et l’autre des images positives ou négatives, le groupe neutre aura tendance à répondre aux questions posées avec les réponses les plus rationnelles, alors que le 2ème groupe, influencé par ses émotions, même positives, aura tendance à avoir un biais de jugement plus important. 

Cette réaction qui peut nous sembler contre intuitive, vient du fait que nos émotions, positives ou négatives, renforcent nos stéréotypes : elles orientent l’attention, ont un impact sur la durée de focalisation, influencent notre façon de percevoir (globalité vs détails) et induisent du jugement.

Biais cognitifs et perception de la réalité

Nous sommes face à un monde complexe et notre cerveau compose avec des capteurs sensoriels imparfaits … alors pour survivre, il interprète !

Vérité
Vérité

La rétine capte 10 milliards d’informations, le nerf optique en récupère 6 millions, le cortex occipital en traite 10 000 et seulement 100 arrivent à la conscience. Sur ces 100 informations conscientes, seulement 10% sont objectives, les 90 autres sont interprétées, et sont donc subjectives, propres à la personne et à son expérience de vie. 

Mais alors, à quoi servent les biais cognitifs concrètement ? 

  •  Notre cerveau interprète ce qui est le plus probable (attention sélective) : il nous rend plus efficace
  • Par nos représentations communes et non exprimées (biais et stéréotypes), nous nous comprenons plus facilement : il facilite donc l’intégration à des groupes sociaux. 
  • Tout questionner serait ingérable : nos biais contribuent également à la bonne santé mentale.

Biais cognitifs : quelles conséquences pour le leadership au quotidien ? 

Nous pouvons ainsi établir un ensemble de constats :

  • 1er constat : Les pensées ne sont pas des faits
  • 2ème constat : Mon cerveau émet des hypothèses quand il est face à l’incertitude
  • 3ème constat : Ma perception est « globale »
  • 4ème constat : Mon cerveau sélectionne les informations qu’il considère comme « pertinentes » par rapport à ce qui est attendu
  • 5ème constat : Les émotions induisent des biais de jugement
  • 6ème constat : Mon cerveau interprète le monde pour lui donner du sens (cohérence)

Notre perception est subjective car notre cerveau a une lecture globale de notre environnement, il fait des raccourcis pour aller plus vite, il émet des hypothèses face à l’incertitude, il cherche à être cohérent avec lui-même et est influencé par notre état émotionnel. Il y a donc autant de “réalités” que de cerveaux qui l’interprètent. 

Le Codex des biais cognitifs (2016) classifient les biais selon 4 catégories :

◾ De quoi devons-nous nous souvenir ?

◾ Trop plein d'informations  

◾ Nécessité d'agir vite

◾ Pas assez de sens

Faire un pas de côté, et se référer à la liste interactive des biais cognitifs par type de situation pourra être bénéfique, notamment lors d'une prise d'une décision importante !

Favoriser les différents points de vue, ou une forme de leadership plus collectif, permettra de minimiser l’impact des biais individuels et les risques qu’ils entraînent, que ce soit en situation d’urgence, ou lorsque l’on se sent en sécurité et que notre niveau de vigilance peut être abaissé. 

Prendre conscience de l'influence de émotions, pensées et réactions automatiques, permettra de comprendre ce qui nous anime, ce qui gouverne les comportements de nos parties prenantes, et de prendre du recul sur une situation. 

Reconnaitre dans quel état émotionnel nous sommes, et son impact physique et mental sera utile avant de passer à l’action, notre décision pouvant être influencée par notre émotion. Cela s'apprend, et des pratiques comme la méditation pleine conscience permettent d'observer, de ressentir, et de nommer nos émotions, l'entrainement facilitant l'appropriation et la fluidité de cette reconnaissance.

Savoir que notre type de personnalité aura un impact sur nos façons de voir les situations : un optimiste aura tendance à voir la situation dans sa globalité, alors qu’un pessimiste aura tendance à s’attacher aux détails. En entreprise, il sera donc important de savoir de quel côté nous pousse cette personnalité, et d'écouter à la fois les tempérament plutôt optimistes et les tempérament plutôt pessimistes. Ils auront chacun une manière différente de voir les choses, toutes deux utiles à l'appréciation de la problématique posée !

De manière générale, être conscient de ces biais cognitifs, facilitera la possibilité de compréhension réciproque, en ouvrant la communication de mondes qui peuvent être hermétiques entre eux.

Penser juste, choisir son temps, ajuster la relation, cultiver l'énergie sont dans la philosophie Mainpaces les 4 points cardinaux d'un leadership écologique, pour soi, pour nos entreprises, et pour le monde.

En savoir plus

Sources et bibliographie

Le Club Mainpaces

Le cycle de conférences “Neurosciences et écologie du leadership” continue en 2023 ! 

Le thème de la prochaine session : Le circuit de la récompense. 

Les conférences Mainpaces sont réservées aux membres du Club Mainpaces. Envie de participer aux prochaines ? ✍️ Contactez-nous : https://mainpaces.com/contact/

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