Puissance du mental et performance, par Pauline Ado

Avec son magnifique sourire, sa présence ancrée et sa détermination tranquille, Pauline Ado est solaire. Et quand on regarde son palmarès hors norme, on est impressionné par la puissance de l'athlète.

Rien n'est laissé au hasard, et Pauline gère ses capacités physiques, mentales, et son équilibre personnel en fonction des objectifs qu'elle se fixe.

Alors à défaut de partir avec elle pour Tahiti, c'est le moment de prendre la vague, et de rentrer dans le mental d'une multiple championne du monde de surf. Laissez-vous porter !


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Bonjour Pauline, tu es très connue dans le monde du surf, peux-tu nous présenter rapidement ton parcours ?

J’ai commencé le surf à l’âge de 8 ans. C’était un sport que ma famille ne connaissait pas du tout, mais pour moi ça a été de suite le coup de coeur. Rapidement, on m’a poussé à faire de petites compétitions. Je détestais ça à mes débuts. Et puis j’ai gagné ma première compétition à l’âge de 10ans et ça a été le déclic !

J’ai vite progressé jusqu’à ma première sélection en Equipe de France junior puis j’ai décroché plus tard deux titres de championne du monde Junior (ISA International Surfing Association en 2006 et WSL [1] World Surf League en 2009). Je suis passé professionnelle après mon Bac à l’âge de 18 ans. Je suis passée par plusieurs hauts et bas dans ma carrière. Parmi les hauts : 5 années sur le WCT [1] (World Championship Tour), un titre de championne du monde ISA en 2017, 7 titres de championne d’Europe WSL et une qualification aux premiers JO de surf aux Jeux de Tokyo 2020 l’été dernier !

©WSL

"Je peux être à ce niveau dans quelques années"


Quand et pourquoi as-tu eu envie de faire du surf ton métier ?

C’est un moment dont je me souviens très bien. J’avais 13 ans et je participais à mes premiers championnats du Monde ISA junior avec l’Equipe de France. Là, pour la première fois, j’ai vu le niveau des meilleurs mondiales juniors. Elles étaient plus âgées que moi et je me suis dit : je peux être à ce niveau dans quelques années. J’étais passionnée par mon sport, j’aimais la compétition, les voyages et le lifestyle me faisait rêver ! A partir de ce moment là, c’est devenu mon objectif.

Est-ce que tu gardes toujours autant de plaisir à surfer maintenant que c’est ta profession ?

Cela fait plusieurs années maintenant que c’est mon métier. La passion est toujours là et je me vois surfer toute ma vie ! Je prends du plaisir dans mon sport mais aussi dans cette quête de progression au quotidien. Est-ce qu’il m’arrive de ne pas avoir envie de m’entraîner ou d’aller à l’eau ? Oui… ! Mais ça cela relève plutôt d’une gestion mentale. Globalement, j’adore toujours autant ce que je fais.

Tu as été sélectionnée pour les premiers JO dans lesquels le surf était présent, qu’est ce que ça change pour toi ? En terme de préparation, d'entraînement, de pression médiatique ?

Depuis que le surf a été annoncé aux Jeux (en 2016), c’est devenu un gros objectif pour moi. Les Jeux c’est une autre dimension ! Les principes de ma préparation sont restées les mêmes globalement. Mentalement, il a fallut gérer la pression de la qualification sur un évènement décisif. C’était intense ! On a senti l'engouement médiatique, l’intérêt des partenaires aussi… ce sont des paramètres en plus qu’il faut gérer. Mais en règle générale cela a été hyper positif. 

©Fitzroy - New Zealand

"Tout part du mental. La concentration, l’intensité que tu vas mettre dans chaque entraînement au quotidien, chaque moment clé de ta préparation, influenceront tes performances finales."

Pauline Ado

Le mental est particulièrement important dans le surf, où les conditions changent en permanence, le danger est présent, et la concentration impérative. Le take-off [2], c’est aussi l’affaire d’un instant.

Je lisais dans une interview que tu as donnée à l’Equipe [3], “la pression, il faut apprendre à l’aimer”.

Comment le vis-tu au quotidien ? Est-ce que tu te prépares mentalement ?

Oui, je pense que la dimension mentale est la plus importante. Tout part du mental. La concentration, l’intensité que tu vas mettre dans chaque entraînement au quotidien, chaque moment clé de ta préparation, influenceront tes performances finales.  Actuellement, je suis suivie par une psychologue du sport. Je fais aussi appel à des techniques de préparation mentale. J’ai pas mal d’outils, de routines, d’éléments de réflexion à ma disposition. J’adore ce processus d’introspection, et trouver des outils mentaux qui me permettent d’être plus performante au quotidien mais aussi plus équilibrée dans ma vie.

Par exemple, j’utilise beaucoup l’imagerie mentale. Dans mon sport, la répétition des gestes techniques n’est pas facile, l’imagerie mentale permet d’intégrer des automatismes, corriger des postures… cela fonctionne aussi pour renforcer la confiance, anticiper les moments de pression. On peut imaginer tous les scénarios, les anticiper, s’y préparer et répéter des manoeuvres à l’infini via le mental. Je fais régulièrement ces exercices et encore plus en période de compétition.

 
As-tu d’autres routines de performance ?

Oui quelques unes ! Notamment liée à la préparation physique : des routines d’échauffement, de récupération, yoga, respiration etc… 

Ce sont des routines qui ont des bienfaits autant sur le physique que sur le mental. J’aime bien faire du yoga en début de journée pour réveiller mon corps, conserver ma mobilité mais cela me permet aussi me recentrer et d’avoir les idées claires sur ce que j’ai à faire pour la suite de la journée. 


Après une journée de compétition, il est aussi essentiel pour moi de bien récupérer des efforts physiques mais aussi de mes émotions et de faire une sorte de reset pour le lendemain. J’aime bien dans ce cas là faire des méditations, des scans corporels le plus souvent. Je prends aussi le temps d’écrire et de faire le point sur ma performance, mon état mental et également sur ce que je veux mettre en place le lendemain. Cela m’aide à y voir clair. 

"Ce sont les petites victoires du quotidien qui font les grandes performances"

Pauline Ado


Qu’est-ce qui fait la victoire pour toi ?

La victoire, ce n’est pas uniquement une place sur la plus haute marche du podium. C’est ce qu’on recherche évidemment lorsque l’on fait de la compétition. Mais elle peut prendre d’autres formes : atteindre des objectifs dans des axes de progression que l’on s’est fixé, arriver à gérer et se sortir de situations stressantes, faire les bons choix stratégiques… etc. Ce sont les les petites victoires du quotidien qui font les grandes performances !

Tu es une femme dans un sport qui est assez masculin, est-ce que cela a influencé ta carrière, l’attention qui t’a été portée à tes débuts ?

Je ne peux pas vraiment dire que j’ai ressenti du machisme à l’eau… mais à mes débuts le surf féminin était beaucoup moins développé. Nous étions peu… Un de mes sponsors à l’époque s’inquiétait de devoir encadrer des filles pour des stages d’entraînement 😅, il n’y avait pas de catégories femmes sur les compétitions pro junior, certaines directions de compétition faisaient surfer les filles systématiquement quand les conditions de vagues se dégradaient... Mais cela ne m’a pas traumatisée. Je savais où je voulais aller, et je traçais ma route. Mais tout cela a bien changé depuis, le surf féminin en a fait du chemin !

Comme certains de nos chefs d’entreprises, tu te déplaces beaucoup, tu encaisses les décalages horaires, comment gères-tu cela avec ta récupération, et ton équilibre pro-perso ?

J’intègre ce paramètre dans le délai de préparation avant une compétition. Si je me déplace loin, alors j’arrive plusieurs jours à l’avance pour prendre le temps de récupérer. A l’arrivée, je reprends dès que possible un rythme normal et une activité physique sans trop d’intensité. Parfois c’est dur, il faut se faire un peu violence mais c’est le meilleur moyen de se remettre vite du voyage. 

Pour ce qui est de l’équilibre pro/perso, j’essaie au maximum de voyager avec mon mari ou quelqu’un de ma famille. Mais ce n’est pas toujours possible. Ma vie pro prend tellement de place qu’il est dur de les dissocier. Alors je m’accorde des jours, des périodes de ma saison où je coupe du surf, où je fais autre chose. Après plusieurs années d’expérience, c’est l’équilibre que j’ai trouvé et qui me convient. 

©RiBlanc - La Madrague-Anglet

Tu as une connexion très intime à l’Océan, et tu es devenue ambassadrice de la Surfrider Foundation, peux-tu nous dire ce que cette cause représente pour toi ?

Petite, j’ai vécu des marées noires, des plages interdites d’accès, du mazout collé sous les pieds et la wax après les sessions… Je me souviens déjà que les campagnes de sensibilisation à l’école ou dans les clubs de surf, qui m’interpellaient. Lorsque l’on est à l’eau au quotidien, on est aussi témoin des pollutions qui menacent notre océan et nos plages. C’est pour ça que je trouvais important de m’engager pour un milieu qui me donne tant.

Est-ce que tu aurais un message à passer aux femmes qui aujourd’hui entreprennent, prennent des risques et des responsabilités, se mettent en visibilité ?

Personnellement, j’admire les gens qui osent et qui se battent pour atteindre leurs objectifs et leurs rêves. Je leur dirais simplement qu’elles sont une source d’inspiration !

Interview réalisée par Thérèse Lemarchand, CEO Mainpaces

mai 2022, mise à jour en aout 2023

[1] : le WCT est LE championnat de surf mondial. Il rassemble les 35 meilleurs surfeurs du monde chez les hommes, et les 17 meilleurs surfeuses du monde chez les femmes. Atteindre ce niveau est une consécration dans le monde du surf. Pour mieux comprendre le fonctionnement, une explication très claire ici : https://homieboards.fr/decryptage-du-monde-du-surf-professionnel/

[2] : Take-off : moment où la surfeuse passe de la position allongée à la position levée sur sa planche

[3] : https://www.lequipe.fr/Adrenaline/Surf/Actualites/Pauline-ado-la-pression-il-faut-apprendre-a-l-aimer/1292672

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