Philosophie et leadership : connaissance de soi et connaissance des autres

Le Club Mainpaces a pour vocation d’inspirer, apprendre, développer, rassembler, des leaders sous des formats variés qui font bouger le corps et l’esprit. Quoi de plus naturel que de commencer par une “bulle philosophique”, admirablement déployée par Camille Prost, et prendre de la hauteur pour penser.  Nous sommes ravis de vous partager ce contenu riche dans cet article

Bonne lecture, 

Thérèse Lemarchand, Mainpaces

En tant que dirigeant, vous devez prendre des décisions, trancher, arbitrer, orienter, dans un emploi du temps contraint. Lorsque l’on a la « tête dans le guidon », nous n’avons pas forcément le temps de prendre une réelle pause, le temps d’observer ce qu’il y a autour, de simplement regarder le paysage. 

« Regarder le paysage », faire ce pas de côté et prendre de la hauteur pour penser, c’est ce que Mainpaces et sa première bulle philosophique vous proposent. Connaissance de soi et connaissance des autres, quels outils la philosophie nous enseigne-t-elle pour se retrouver, et pourquoi ?

Nous vivons un moment charnière, une période de grands bouleversements qui remet en question notre rapport au monde, à la planète, à l’animal, aux questions de genre, à la famille, ou encore notre rapport au travail… Dans un monde de changements où tout s’accélère, il est nécessaire de disposer des outils pour savoir s’arrêter. 

« Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue »
Victor Hugo

Les philosophes antiques à l’origine des coachs modernes ? 

Le terme français « philosophie » est un terme d’origine latine (« philosophia »), emprunté du grec « philein » (aimer) et « sophia » (sagesse). 

La philosophie peut être définie comme l’ensemble des questions que l'être humain peut se poser sur lui-même ainsi que l’examen des réponses qu'il peut y apporter. C’est une vision non scientifique, systématique et générale du monde qui concerne l’esthétique, l’éthique, la logique, la métaphysique, la morale, l’ontologie ou encore la théologie.

Il est important de revenir sur son étymologie puisque la philosophie a comme point de départ, une réflexion sur le sens des mots, leur définition, les termes qui s’en approchent, qui s’y opposent. En ce sens, la philosophie nous guide pour comprendre l’essence des choses et des mots qui s’y rapportent. Dans la Théorie des formes, Platon définit cela comme « L’Idée » de la chose, Idée universelle et immuable (ou encore archétype) qui appartient au monde de l'intellect, et modélise ce que nous percevons avec nos organes sensibles. 

Ce travail de définition approfondi est précisément ce que fait Socrate, personnage principal des dialogues de Platon. Socrate discute avec des athéniens et les met devant leurs propres contradictions pour les aider à préciser, corriger, affiner leur pensée. 


Ces travaux sont à l’origine de la philosophie occidentale. Cette méthode s’appelle la maïeutique : art de l'accouchement dans le milieu médical, la maïeutique désigne par analogie en philosophie, l'interrogation sur les connaissances.

Socrate — dont la mère, Phénarète, était sage-femme — parlait de « l’art de faire accoucher les esprits ». De manière concrète, il posait des questions faussement naïves, écoutait et s'arrangeait pour que l'interlocuteur se rende compte de ses manques de précision et de ses contradictions dans ses raisonnements. Les personnes se rendaient ainsi compte que, alors qu'elles croyaient savoir, elles ne savaient pas. Inversement, il amenait également ses interlocuteurs à se rendre compte qu'ils possédaient des connaissances en les guidant à travers leur réflexion.

Que faut-il retenir de ce processus philosophique ? Que la réponse n’émane pas de l’extérieur : la vérité est en nous, et c’est la responsabilité de chacun de réaliser ce travail sur soi. 

Le coaching et certaines techniques de management aujourd’hui reposent sur ce principe qui date du 5ème siècle avant JC.

Dans toute démarche de coaching, le coach part du principe que c’est la personne ou l’équipe qui détient les solutions. Le coach met seulement en œuvre un processus, c’est-à-dire une méthodologie à base d’écoute et de questions. Ce processus interactif accompagne chaque personne ou équipe et les amène à révéler leurs ressources et leur potentiel. Le coaching ne fait, finalement, qu’engager vers plus d’autonomie et de créativité pour permettre à chacun de trouver les solutions qui lui conviennent. C’est ce processus simple, inspiré de la maïeutique socratique, qui en fait un outil si puissant. 

Exercices spirituels antiques 

« Connais-toi toi-même », la fameuse formule de Socrate mis en scène par Platon, était enseignée aux dirigeants au temps des philosophes antiques. Les philosophes étaient en effet dans l’Antiquité les précepteurs des hauts dirigeants. Par exemple, Aristote a été le précepteur d’Alexandre le Grand, et Sénèque, le précepteur de Néron (dommage !). Ils les amenaient à connaître leurs limites, leurs peurs afin de maîtriser l’art de gouverner. 

Cet enseignement consistait à apprendre à connaître l’étendue de ses connaissances, et à reconnaître son ignorance. Finalement, apprendre à être à sa juste place dans la Nature et dans le monde

Exercice pratique sur la connaissance de soi, héritées de la philosophie antique

Les examens de conscience : 

Le matin : avant de se lever, passer en revue sa journée à venir, les différents moments et examiner les points qui pourraient poser problème. Si on sait qu’on est de nature impulsive, s’il y a un moment où l’on sait que l’on peut s’emporter, visualiser la manière dont ce penchant naturel pourrait être contrôlé et ces tensions désamorcées. C’est aussi prioriser…

Le soir (variante ou complément) : se repasser le film de sa journée, et se dire « comment aurais-je pu être meilleur ? ». On ne parle pas là de performance pure, les Grecs prônent la mesure.

Comment philosopher dans l’accélération de nos sociétés contemporaines ?

Hartmut Rosa propose une théorie de l’accélération sociale dans nos sociétés contemporaines, susceptible de penser ensemble l’accélération technique (celle des transports, de la communication, etc.), l’accélération du changement social (des styles de vie, des structures familiales, des affiliations politiques et religieuses) et l’accélération du rythme de vie, qui se manifeste par une expérience de stress et de manque de temps. 

L'accélération selon H. Rosa

La modernité tardive, à partir des années 1970, connaît une formidable poussée d’accélération dans ces trois dimensions. Au point qu’elle en vient à menacer le projet même de la modernité, ou l’idée d'agir en conformité avec son temps et non plus en fonction de valeurs, considérées de facto comme « dépassées ». Dissolution des attentes et des identités, sentiment d’impuissance, « détemporalisation » de l’histoire et de la vie viennent bousculer les idées d'émancipation, de croissance, d'évolution, de progrès et d'innovation.

Hartmut Rosa parle d’une “fuite en avant de la modernité”, et montre que la désynchronisation des évolutions socioéconomiques et la dissolution de l’action politique, font peser une grave menace sur la possibilité même du progrès social.

Plus que jamais, il est donc nécessaire de philosopher, de prendre de la hauteur, de s’accorder du temps, du réel temps pour soi. Loin d’être abstrait, philosopher ouvre une manière d’être au monde et sa manière de vivre, et, comme nous l’avons vu avec les exercices spirituels antiques, propose des règles très pratiques.

Besoin de transcendance et indisponibilité du monde 

Aujourd’hui la science, la technique, l’économie, l’organisation sociale et politique ont rendu les êtres et les choses disponibles de manière permanente et illimitée.
Mais alors que toutes les expériences et les richesses potentielles de l’existence gisent à notre portée, tout se passe comme si elles se dérobaient à nous. 

La neige selon H. Rosa

Le monde se referme mystérieusement ; il devient illisible et muet. Le désastre écologique montre que la conquête de notre environnement façonne un milieu hostile. Le surgissement de crises révèle l’inanité d’une volonté de contrôle qui débouche sur un chaos généralisé. 

Et, à mesure que les promesses d’épanouissement se muent en injonctions de réussite et nos désirs en cycles infinis de frustrations, la maîtrise de nos propres vies nous échappe.

S’il en est ainsi, suggère Hartmut Rosa, c’est que le fait de disposer à notre guise de la nature, des personnes et de la beauté qui nous entourent nous prive de toute résonance avec elles. Telle est la contradiction fondamentale dans laquelle nous nous débattons. Pour la résoudre, l’auteur ne nous engage pas à nous réfugier dans une posture contemplative, mais à réinventer notre relation au monde.

C’est un besoin de transcendance qui s’exprime, un besoin existentiel qui dépasse notre horizon quotidien. Quels sont les moyens et les domaines qui pourraient, dans nos vies bien agitées, bien remplies, nous offrir cette résonance avec le monde, nous faire vivre l’indisponibilité du monde ?

  • La Nature ?
  • L’Amour ?
  • Le rapport à la transcendance et à Dieu ?
  • Le rapport à l’Art et au Sublime ? 

Pour participer à la prochaine bulle philosophique ou aux évènements de Club, écrivez-nous ici.

Article librement inspiré de la conférence de Camille Prost, docteure en philosophie de la musique, Club Mainpaces d’Avril 2022

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