Coaching exécutif, coaching intuitif, coaching philosophique, coaching ontologique, coaching existentiel, gravitas leadership … Le coaching génératif satisfait-il un effet de mode ou correspond-il à une démarche de fond innovante et prometteuse ?
Dans cette interview à bâtons rompus, nous vous proposons de découvrir le coaching génératif, développeur de congruence et de conscience de ce que chacun génère, d’en comprendre les fondements scientifiques, inspirations philosophiques, avantages, limites et applications concrètes.
Interview de Thérèse Lemarchand, CEO et fondatrice de Mainpaces,
réalisée par Fabrice Daverio et Andrée Kintzinger le 10/11/2023
Le coaching génératif Mainpaces prend compte toutes les dimensions de la personne, physique, mentale, et énergétique, pour l’accompagner sur son chemin de développement.
Il s'appuie sur le coaching génératif développé par Robert Dilts et Stephen Gilligan, et tire son nom de notre mode de fonctionnement. Notre intelligence réelle est générative. A partir des données stockées, conscientes et inconscientes (ce que nous savons mais qui est non accessible d’un point de vue verbal, éventuellement refoulé) de la perception en temps réel des informations transmises par nos sens, notre cerveau formule des hypothèses probabilistes et nous amène à faire des choix, à prendre des positions, à agir.
Les difficultés naissent de nos automatismes, de nos conditionnements, de nos représentations figées et biais cognitifs qui nous amènent à avoir des comportements inadaptés dans certaines situations. Plus les situations se complexifient, plus ces automatismes sont stressables.
On voit ce que peut donner une IA générative lorsque le jeu de données qu’on lui injecte est biaisé, et le risque que cela représente en termes de désinformation. C’est la même chose pour nous, en beaucoup plus sophistiqué.
Aujourd’hui nous évoluons dans une complexité croissante, avec l’accélération des volumes d’échange, de la vitesse de ces échanges, et de leur hétérogénéité. En tant que dirigeants, personnes d’influence et de responsabilités, nous devons élargir notre vision du monde, accueillir la complexité, mieux comprendre nos modes de fonctionnement, et développer de nouvelles manières d’agir. C’est un enjeu majeur pour l’humanité.
Le coaching génératif que nous déployons nous accompagne sur ce chemin.
Il se base sur deux principes clés pour accompagner un changement créatif et durable :
- élargir notre conscience, en intégrant de nouvelles données perceptives et mentales, de nouvelles représentations, en permettant de décortiquer les expériences vécues pour en tirer des enseignements. La conscience est une expérience informative et intégrée. Cela permet de développer cet état créatif et durable qu'est l'état génératif.
- améliorer notre alignement corps-mental, grâce à ces perceptions plus fines, plus vives, et mettre en cohérence nos valeurs, nos intentions, nos manières d’agir. Diminuer les conflits internes permet de gagner en énergie et de se déployer pleinement. Cela demande aussi de la pratique.
Le coaching génératif est un coaching profond. Il met en mouvement à partir d'un état de créativité et d'une intention positive. Il agit très puissamment sur notre motivation et sur le développement de nos capacités, pour passer à l'action, et transformer les obstacles et les résistances. Il se déploie avec tout notre champs de ressources, en cohérence avec nos valeurs et notre dimension spirituelle.
◦ l’approche est coordonnée : le coach exécutif est le fil rouge – interlocuteur principal de la personne. Il coordonne la petite équipe qui sera rassemblée autour de la personne pour l’accompagner
◦ les décisions relatives au parcours sont collégiales, et sont prises par le coach, l’expert envisagé sur le sujet donné, et un membre tiers.
Le coaching est une approche réflexive qui a fait ses preuves lorsqu’elle est portée par des personnes compétentes. Avec son expertise du questionnement et des systèmes à l’œuvre chez la personne et dans les organisations, une attention portée à la personne, une expérience de la vie et des organisations – ici des postes de direction, le coach joue un rôle de miroir, permet de prendre un temps de recul et de porter un nouveau regard sur les choses. Il facilite la structuration de la pensée et des actions, stimule la motivation, accompagne le mouvement et le changement.
Mais la réflexion n’est pas la seule porte d’entrée de l’humain, et le mental est parfois complètement surinvesti dans les milieux économiques. Cela peut amener les personnes à avoir des structures de pensée surpuissantes, être dissociées de leur corps, à avoir des perceptions étroites et des automatismes délétères. Nous avons tous des schémas de répétitions issus de notre histoire personnelle ou intergénérationnelle... C’est un millefeuille très complexe qui nous agit. Les différentes pratiques (coaching physique, préparation mentale, ostéopathie, hypnose, énergétique chinoise, communication, conscience et respiration,…) permettent de lever les freins émotionnels, les tensions physiques, de faciliter des apprentissages.
Cette approche pluridisciplinaire est issue du sport de haut niveau, où de telles équipes sont mises en place pour accompagner les athlètes dans un objectif qui est la réalisation de performances qui sortent de l’ordinaire, dans des environnements où l’enjeu, la pression, le niveau de compétition sont extrêmes. Les résultats sont là, ce sont ceux d’un Novak Djokovic, d’un Armand Duplantis, d’une Gévrise Emane ou Pauline Ado.
J’ai souhaité transposer cette approche aux dirigeants pour ces mêmes raisons, car ils font face à des niveaux d’enjeu comparable et on ne prend pas suffisamment soin d’eux en tant que personne. C’est très préjudiciable pour eux, pour les organisations qu’ils dirigent, et in fine pour le monde quand les décisions prises sont mortifères.
D’ailleurs le coaching en soi est une pratique issue du sport, ouverte par Thimothy Gallway. Dans son livre publié en 1974 « The inner game of tennis » T.Gallwey a été l'un des premiers à présenter une méthode complète de coaching pouvant être appliquée à de nombreuses situations. Il s'est retrouvé à donner des conférences plus souvent à des chefs d'entreprise aux États-Unis qu'à des sportifs, et à déployer sa méthode dans d’autres domaines sportifs et dans le business.
Le principe de la générativité a été théorisé par C. Otto Scharmer dans son ouvrage Théorie U. Il souligne qu’envisager le futur avec des cartes mentales du passé, ne peut aboutir qu’à plus de la même chose. C'est ce que disait d'une autre manière Albert Einstein :
Cette approche est aussi dans la lignée d’une certaine philosophie orientale, qui considère la personne dans toutes ses dimensions. Le yoga intègre la pratique physique à travers les asanas, la respiration (pranayama), la concentration (dharana), la méditation (dhyana), pour permettre à la personne de développer la conscience de son interconnexion au monde et atteindre la félicité. C’est originellement une pratique profondément spirituelle qui intègre ces notions de corps, d’énergie, de mental, de conscience – avec son pendant l’inconscient.
Les neurosciences sont notre socle scientifique. Elles nous donnent tellement de clés de compréhension sur notre mode de fonctionnement !
- ce que sont les émotions et comment elles se manifestent dans le corps, leur impact fondamental sur la motivation,
- ce qu’est la conscience,
- les enjeux de sommeil, d’éveil et de vigilance[2],
- le fonctionnement du système de récompense[3][4],
- comment une posture peut influencer notre état mental[5],
- comment une pratique de visualisation peut nous entraîner, car le cerveau ne fait pas de différence entre une expérience vécue et une expérience simulée,
- comment l’hypnose peut nous aider à changer de représentation en changeant de fréquence de synchronisation neuronale etc… la liste est infinie
Les neurosciences, la neurophysiologie nous expliquent à la fois comment on fonctionne et pourquoi telle technique peut être efficace. Elles donnent de la rationalité à des approches qui autrefois pouvaient sembler ésotériques.
A partir de là, le rôle des accompagnants est de détecter les enjeux prioritaires, et la bonne manière de les adresser. Ça c’est tout le cœur de notre savoir-faire : avoir la bonne personne et la bonne approche. Il s’agit également de créer une alliance avec la personne accompagnée. C’est un cheminement commun, nous sommes côte à côte.
Les avantages pour la personne sont le développement de sa motivation en lien avec ses désirs profonds, son alignement, la meilleure utilisation de ses ressources, et le développement de ses capacités. Globalement en conséquence, plus de sérénité et plus de joie.
Cela ruisselle sur les organisations qu’il ou elle dirige, qui deviennent plus humanistes, plus conscientes, plus respectueuses de l’environnement et de la vie. De l’écologie personnelle, le coaching génératif nous emmène vers un leadership génératif, conscient de ce qu’il génère, intégrant l’écologie globale.
Pas vraiment, mais elle n’est pas miraculeuse non plus. Le coaching génératif accompagne les dirigeants dans leurs enjeux d’accomplissement professionnels et personnels car c’est intimement lié, ce n’est pas une approche médicale. En conséquence, si la personne a des problèmes de santé, des besoins de thérapie, elle doit se tourner vers les professions concernées.
Il s’agit également de ne pas multiplier les pratiques, d’accepter les constantes de temps physiologiques et d’évolution personnelle, et d’être extrêmement attentifs à l’éthique des experts avec lesquels on travaille. Les coachs et experts doivent être compétents, formés en continu, insérés dans la vie et le monde économique, prendre leurs responsabilités en tant que citoyens. Ils doivent incarner profondément cet humanisme que l’on propage.
Enfin, la situation dans laquelle cette approche est contre-indiquée est si la personne n’en veut pas. Elle repose sur son engagement, sur sa motivation personnelle. Elle intègre un certain goût de l’effort, un engagement, et une envie de mieux se connaître.
Oui, nous faisons également du coaching d’équipe, de Codirs / Comex...
Il s’agit au départ pour le système composé par le groupe d’avoir une intention commune, une recherche de cohérence, et de meilleure utilisation de ses ressources.
Nous partons en général du bilan Leaderpaces © que nous avons développé, qui nous permet de distinguer les endroits où le groupe est fort de façon homogène, peut progresser de façon homogène, où se situent les hétérogénéités qui sont sources de richesses mais également risques de conflits ou d’incompréhensions, et nous déclinons l’accompagnement, pour tout le groupe.
A l'issue de ces accompagnements le groupe fonctionne mieux, il est plus organique, plus vivant.
On hybride aussi des coachings individuels avec du coaching d’équipe pour de l’hyper sur-mesure, et c’est très puissant. Nous faisons également du coaching génératif pour des groupes de dirigeants, comme Vibes par exemple.
C’est heureusement le cas pour toutes les personnes que nous avons accompagnées (près de 100 en intégrant l’individuel et le collectif, fin 2023), sauf une qui n’a pas adhéré à l’approche et n’a pas souhaité aller au bout de son parcours.
Ce que l’on peut mettre en évidence sont les différents moments de vie professionnelle que l’on retrouve très régulièrement :
- pré levée de fonds, quand il s’agit de changer d’envergure, et de se préparer physiquement et mentalement à une épreuve qui peut s’avérer extrêmement difficile, un gros challenge
- post levée de fonds, ou post nomination, quand il s’agit de passer un cap, de faire face et d’impulser des changements, des transformations d’organisation, d’intégrer des profils très reconnus, de diriger des boards difficiles, ..
- dans les situations de désalignement (de soi et de l’entreprise, entre associés, …) ou de conflits
- après un exit, une démission, une révocation, quand il s’agit de se redéfinir, d’aller rechercher des motivations profondes, un projet professionnel aligné avec son projet de vie
- quand on n’y voit plus clair, ce moment que j’appelle « j’en peux plus de cette boite / de cette fonction ! » où l’on se sent englué, dans un mode de fonctionnement qui patine ou dont on n’arrive pas à sortir, quand notre cerveau ultra-rapide nous submerge, et nous coupe de l'extérieur
- et tous les enjeux d’équilibre pro-perso, intégrant le pré / post burn-out…
Au début de chaque parcours le bénéficiaire détermine ses objectifs avec son coach, et les indicateurs de résultats associés. En fin de parcours il réalise un bilan avec son coach sur la base de ces objectifs.
Je fais également toujours un rendez-vous de feedback plus qualitatif à l’issue des accompagnements.
Mais je crois que l’évaluation se fait aussi dans l’observation, et je suis parfois éblouie par les changements physiques qui s’opèrent chez les personnes que Mainpaces accompagnent, qui se redressent, rayonnent, retrouvent un sourire et une tonicité qu’ils n’avaient pas en arrivant. Ce sont les plus belles de nos récompenses.
Je pense que cette forme de coaching va se développer. Nous sommes très en avance aujourd’hui sur le sujet, car c’est une approche complexe du coaching, qui impose à la fois d'accueillir chaque personne comme un être unique, avec une bonne compréhension des enjeux de ce qui constitue notre humanité et de ce qui se joue au sein des systèmes. Ce sont des compétences rares à rassembler et à coordonner, des enjeux logistiques... Notre travail est de gérer la complexité, et de la rendre ultra-fluide pour nos clients.
Mais j’imagine que d’autres vont s’y mettre, car cela répond à un besoin essentiel.
Oui, complètement. La première des évolutions est celle de la complexité croissante dont je parlais au départ. L’augmentation des masses d’échange, de leur rapidité et de leur hétérogénéité crée une incertitude, une interconnexion, et une interdépendance croissantes. En tant que dirigeants, cela nous impose de progresser très significativement, de développer notre conscience pour s’approprier pleinement ces enjeux, de poser les limites nécessaires, de comprendre où se joue notre croissance et notre liberté en relation avec la vie… C’est un nouvel apprentissage, il est difficile à faire seul.
La complexité du monde implique plus de contemplation, et plus de discernement. Notre rapport au temps est faussé par l’ampleur des sollicitations qui viennent de l’extérieur et prennent le dessus sur nous comme une nuée. Un nouvel équilibre intériorité - extériorité est fondamental pour aider l’humanité à répondre aux enjeux vitaux auquel elle est confrontée, et réouvrir la possibilité d’un vrai choix et de la capacité à le défendre.
La deuxième évolution est la déshumanisation du monde du travail, portée par les évolutions technologiques qui augmentent la distance entre les personnes, et transforment ce qui était un espace de vie - où l’on passait plus de la moitié de notre temps éveillé en semaine, en un espace virtuel transactionnel , où des tâches et des objectifs doivent être réalisés en un temps donné. L’apprentissage par compagnonnage, observation, transmission se perd, une forme d’hyper-agitation se déploie quand tout le monde commente tout tout le temps sans hiérarchisation des contenus et des besoins.
D’où les enjeux criants de motivation et de sens, et de repli sur soi, allant jusqu’à la peur de la rencontre de l’autre. Nombre de personnes aujourd’hui ont peur de prendre leur téléphone pour parler, d’aller en rendez-vous pour rencontrer,.. ils se concentrent sur des sommes de micro-messages texte qui appauvrissent radicalement l’échange et sont sources d’incompréhension majeures. On ne prend plus le temps de se comprendre vraiment, et on perd tellement de ce fameux temps, derrière. Le coaching génératif remet l’humain au cœur. Il nous aide à comprendre ce qui se joue, les mécanismes qui nous agissent, nos motivations et valeurs profondes, notre dimension spirituelle, et à voir l’autre comme un être vivant avec lequel nous sommes totalement interconnectés. C’est passionnant, et c’est extrêmement riche. C’est la base de l’Amour.
La troisième évolution est celle des enjeux vitaux du monde, le réchauffement climatique, la chute de la biodiversité, l’augmentation des pollutions qui nous empoisonnent. C’est un impératif vital. Il faut changer de braquet maintenant. Penser et agir juste, avec énergie. Pour cela, je crois que seul le fait de comprendre et d’intégrer que nous faisons partie d’un tout, de cet environnement, du vivant, et que nos corps souffrent, peut nous faire bouger radicalement.
Notre plus gros challenge aujourd'hui n'est pas d'affiner les chiffres des risques dans lesquels nous nous sommes plongés en tant qu'humains, on les connaît suffisamment, et depuis plus de 30 ans.
Être aligné avec la vie implique d'être conscient de qui l'on est, de ce que l'on vit, de ce que l'on perçoit, de ce que l'on génère. Il y a des caps à passer, un dialogue intérieur à verbaliser, une attention à orienter, des motivations à ressentir, pour que la conscience de ce qui est important pour nous, prenne plus de place que ce qui ne l’est pas.
C’est ce que j’appelle le leadership génératif, un leadership conscient de ce qu’il génère, et qui agit en faveur de la vie.
La complexité, l’humain, le monde, sont au cœur du coaching génératif.
[1] Définition OMS de l'ostéopathie
[2] Faire la lumière sur notre activité nocturne
[3] Le striatum, région du cerveau responsable de notre inaction face au dérèglement climatique
[4] Le circuit de la récompense
[5] Neuroscience : "Nous avons 7 sens, et les 5 plus connus sont les moins importants"